L’Association pour une Fondation de Service Politique répond aux nombreuses critiques que son interview des responsables du Collectif Provoc Hellfest publiée avant les vacances avait suscitées.
« Avec un titre pareil on ne s’étonnera pas que le festival du Hellfest qui s’est tenu à Clisson du 17 au 19 juin – seul festival français de musique « metal » –, ait suscité en juillet une vive polémique entre les pour et les contre. «
Comme il l’a été dit et répété bien des fois depuis 2009, « fête de l’enfer » n’est qu’une des traductions possibles de « hellfest« . Le Larousse liste les significations usuelles suivantes du mot « hell« :
« noun 1. religion enfer m
mythology [underworld] les enfers
to go to hell
a. [Christianity] aller en enfer
b. mythology descendre aux enfers go to hell! (informal) va te faire voir!
to hell with society! (informal) au diable la société!
come hell or high water (informal) contre vents et marées, envers et contre tout
when hell freezes over à la saint-glinglin
it’ll be a cold day in hell before I apologize je m’excuserai quand les poules auront des dents
it was a journey from hell! (informal) ce voyage, c’était l’horreur!
all hell broke loose (informal) ça a bardé
to give somebody hell (informal) passer un savon or faire sa fête à quelqu’un
the damp weather plays hell with my arthritis (informal) ce temps humide me fait rudement souffrir de mon arthrite!, par ces temps humides, qu’est-ce que je déguste avec mon arthrite!
there’ll be hell to pay when he finds out (informal) ça va barder or chauffer quand il l’apprendra
I went along just for the hell of it (informal) j’y suis allé histoire de rire or de rigoler
he ran off hell for leather (informal) il est parti ventre à terre
hell’s bells!, hell’s teeth! (informal) mince alors!2. [torture] enfer m
working there was hell on earth c’était l’enfer de travailler là-bas
he made her life hell il lui a fait mener une vie infernale
3. (informal) [used as emphasis]
he’s as happy/tired as hell il est vachement heureux/fatigué
he’s in a hell of a mess il est dans un sacré pétrin
a hell of a lot of books tout un tas or un paquet de livres
we had a hell of a good time nous nous sommes amusés comme des fous
they had a hell of a time getting the car started ils en ont bavé pour faire démarrer la voiture
to run/to shout like hell courir/crier comme un fou
I’m leaving — like (the) hell you are! je pars — n’y compte pas!
I just hope to hell he leaves j’espère de tout mon cœur qu’il partira
get the hell out of here! fous or fous-moi le camp!
what the hell are you doing? qu’est-ce que tu fous?
who the hell do you think you are? mais tu te prends pour qui?
oh well, what the hell! oh qu’est-ce que ça peut bien faire?
did you agree? — hell, no! as-tu accepté? — tu plaisantes!
4. (US & informal) [high spirits]
full of hell plein d’entrain or de vivacité
5. (informal & humorous)
cauchemardesque
from hell cauchemardesque »
Si littéralement « Hell » désigne l’enfer et un certain nombre de réalités qui lui sont associées sémantiquement (la souffrance etc.), on voit que son usage l’a amené à prendre des significations beaucoup plus vastes que celles purement religieuses, et qu’ainsi il peut désigner l’entrain et la vivacité (« full of hell« ) ou encore avoir une fonction de superlatif pour exprimer toutes sortes de réalités, souvent très neutres religieusement ou moralement ( » a hell of a lot of books », » « we had a hell of a good time »).
Dans le cas du Hellfest, si Liberté Politique et quelques autres persistent à faire de « fête de l’enfer » la seule traduction possible, on voit que celle beaucoup plus neutre de « fête plein d’entrain » est tout aussi valable, et semble d’ailleurs plus cohérente, dans la continuité de l’ancienne appellation du festival: « Furyfest« . A vrai dire, même quelqu’un d’aussi peu suspect d’être amateur de métal extrême que l’abbé de Tanoüarn s’est ému du caractère biaisé et excessif de la traduction par les collectifs cathos anti hellfest du mot « hellfest« :
« Mais j’en appelle aux anglicistes: et si hellfest devait être traduit par « putain de fête »? un peu comme « a hell of a bike » est « une moto qui arrache », ou « une moto d’enfer »… ou encore « une putain de moto ». Dire cela d’une moto, ce n’est pas lui prêter de mauvaises mœurs, c’est au pire parler vulgairement. Bien sûr le hellfest emprunte au folklore du paramedieval, du retrofantastique, et même du pseudosatanisme. Vous trouvez que c’est malsain? Je préfère Wagner et Laibach! Mais de grâce, ne prenons pas cette hellfest plus au sérieux qu’il ne faut. »
Alors certes Liberté Politique ou d’autres sites sont libres de penser que la traduction « religieuse » du nom du festival est celle qui correspond vraiment à l’intention des organisateurs, mais ils ont alors à le démontrer, et non à sommer ces derniers ou l’ensemble des métalleux de rendre des comptes dessus. Procéder à l’inverse, comme c’est manifestement le cas de l’article que je commente, est partisan et peu convaincant.
« Le nombre des festivaliers :
Si le nombre maximal de personne était chaque jour de 25 000 personnes, et qu’en effet le festival du Hellfest fut plein pendant les trois jours, cela ne fait pas pour autant 75 000 personnes présentes, mais seulement 75 000 tickets vendus en trois jours. En effet, la plupart des festivaliers ont passé les 3 jours à Clisson afin de profiter pleinement du festival. Il est difficile d’estimer dans quelle mesure il s’agissait des mêmes personnes tout au long du festival. 25 000 est un chiffre a minima, sans doute sous estimé, mais le chiffre de 75 000 ou de 90 000 festivaliers différents tout au long du festival n’a certainement pas été atteint. »
Cela n’enlève rien au fait tout à fait incontestable, et et à mon avis beaucoup plus significatif, que le festival atteint chaque année un peu plus tôt sa capacité d’accueil maximale, et que l’année dernière, pour la première fois, les entrées ont été épuisées très en amont de la première journée.
« La drogue :
La détention de drogue, le nombre d’interpellations et le taux d’alcool ne sont pas les raisons pour lesquelles le festival pourrait être fermé, ni pour lesquelles il est actuellement critiqué. Comme beaucoup l’ont dit, d’autres festivals sont bien pires de ce point de vue. Même s’il faut déplorer la consommation abusive de drogue et d’alcool, il faut reconnaître que les chiffres du Hellfest sont relativement peu élevés. »
En effet, si les actes délictueux en question (trafic de stupéfiants et violences en réunion) sont bien sûr condamnables en eux-mêmes, rien ne permet de les relier à une quelconque dangerosité du festival lui-même ou à la responsabilité des organisateurs. Merci de le reconnaître.
« Haine des festivaliers :
Aucun mot de l’entretien ne diffuse un message haineux envers le metal, ou les metalleux (festivaliers ou autres). Seuls certains groupes de metal sont visés dans l’interview, en raison de leur message et non par simple volonté de nuire.
Nous sommes d’accord pour dire avec certains commentaires que la musique metal n’est pas nécessairement satanique, ni les metalleux tous christianophobes, mais que le « rock metal » est un style musical qui a sa culture et ses fans. Cependant, une haine et une violence anti-chrétienne voire anti sémite est véhiculée.Il ne faut pas oublier que Hellfest signifie « festival de l’enfer ». »
Sur la dernière phrase de l’extrait, voir plus haut.
S’il est vrai que l’entretien n’était pas « haineux », il donnait cependant la très désagréable impression de gonfler un certain nombres d’éléments disparates et sans grande signification (les gardes à vues, la question du nombre de festivaliers…) pour dissimuler le relatif échec de la pétition (5 000 signatures contre 35 000 pour la pétition de CEC l’an dernier et 80 000 pour celle de Civitas contre le Piss Christ cette année). C’est ce qui a déclenché la colère, à mon avis compréhensible et légitime, des festivaliers mais pas seulement, contre cette interview. Cela dit, je connais un peu l’un des participants de l’entretien et je confirme qu’il semble de bonne foi et motivé par des soucis d’intérêt commun et non par la haine, même si je trouve son discernement sur le Hellfest et le métal extrêmement erroné.
Je pense que cet extrait pointe ce qui est à mon avis une grande erreur stratégique des anti hellfest: le problème, ce n’est pas le festival lui-même, qui invite les groupes réputés du genre. C’est le fait que certains des styles de musiques (pas tous loin de là) qui y sont représentés sont souvent associés thématiquement par le public et par les musiciens eux-mêmes à l’anti christianisme, au satanisme, à l’occultisme etc. en particulier le death metal et surtout le black metal. Persuadez ou contraignez les organisateurs du Hellfest de ne plus inviter de groupes « cathophobes » et ceux-ci trouveront sans difficultés d’autres lieux ou se produire, et même s’il n’en trouvent pas, ne seront pas entravés pour autant dans la diffusion de leurs idées: l’un des groupes de black metal les plus connus et les plus hostiles au christianisme, Burzum, ne donne aucun concert. Par contre, poser la question sur le plan plus général, mais aussi plus pertinent, des thématiques propres au métal extrême, en essayant de déconstruire les a priori anti chrétiens supposément propres au genre et de promouvoir une relecture chrétienne ou « neutre » de celui-ci, comme le présent site s’efforce de le faire, voilà qui peut contribuer à changer les mentalités, de telle sorte que les groupes connus et talentueux, y compris de black metal, ne soit pas si souvent ceux-là mêmes qui sont les plus hostiles au christianisme.
On pourrait m’objecter que la transformation des mentalités sur le long terme peut être associée à plus court terme à une action de lobbying sur les organisateurs et les responsables politiques. Je pense que c’est une illusion: les thématiques satanistes propres au rock et à ses épignones sont souvent nées et se nourrissent des condamnations et des pressions par des organismes et des responsables religieux: du rock à Black Sabbath, de Black Sabbath à Venom et Slayer, de ceux-ci à Deicide et Morbid Angel, et enfin de ces derniers à Mayhem ou Marduk. Je crois que c’est Einstein qui disait que répéter sans cesse la même action en espérant un résultat différent est le plus sûr signe de la folie. En ce sens, au regard de l’histoire du métal, la démarche des anti Hellfest parait « folle » (et je précise bien: folle au sens de contraire à la réalité, voire dangereuse, pas au sens de Saint Paul).
« Interdiction du Hellfest :
Comme le spécifie bien le commentaire d’Innerlight à propos de l’interview du Président du collectif que nous avons publié, le témoignage de Pneumatis, et l’intervention du curé de Clisson ne signifient pas qu’il faille interdire le Hellfest. Ce n’est pas non plus le but premier du Collectif : le collectif veut éviter les débordements et les discriminations anti-chrétiennes de certains groupes qui peuvent exister dans le festival. »
Oui mais le Collectif, comme il le rappelle d’ailleurs dans l’entretien en cause, choisit spécifiquement comme moyen d’action l’appel à la censure, ce qui, si je ne suis pas systématiquement opposé à toutes censures, me parait extrêmement inopportun dans le cas du Hellfest pour les raisons que j’ai exprimées notamment dans mes articles en réponse à la pétition du Collectif ou encore dans Hellfest: respecter autrui dans mon expression… comme dans la sienne.
« La question des subventions publiques :
Les subventions publiques ne peuvent être allouées que si le festival respecte la loi. L’appel à la haine, la discrimination publique d’une communauté quelle qu’elle soit est en France condamnée par la loi. Si le Hellfest ne respecte pas la loi, il n’y a pas de raison que des subventions lui soient attribuées. Cela ne signifie pas qu’il faille supprimer toutes les subventions du festival, mais que le festival ne peut accepter des groupes prônant la discrimination. »
Encore faut-il prouver que l’appel à la haine ou à la discrimination sont constitués. Comme j’ai tenté de le démontrer dans « Hellfest: respecter autrui dans mon expression… comme dans la sienne », et comme les responsables du collectif l’admettent eux-mêmes à mots couverts dans l’entretien en cause (« Les députés et sénateurs ont un vrai travail à faire pour que la christianophobie, ainsi que l’incitation à des attitudes attentatoires à la dignité de la personne humaine, soient mieux prévenues et sanctionnées, au même titre que le sont l’antisémitisme ou l’islamophobie« : je reviendrai sur la question de la « cathophobie » dans la seconde partie de mon billet, puis probablement dans un article qui lui sera exclusivement consacré), c’est loin d’être évident, même si je reconnais que je ne suis pas juriste et que certains textes et précédents semblent pouvoir l’objet d’interprétations dans les deux sens. Mais une fois encore c’est aux anti Hellfest que revient la charge de rpouver leurs allégations, et non au festival de se justifier d’accusations elles-mêmes contestables dans leur contenu comme dans leur formulation.