Nous voici arrivés une nouvelle fois à Pâques: la fête la plus importante pour les chrétiens, celle qui célèbre la victoire de la Vie sur la mort, du Bien sur le mal, la Résurrection de Notre Seigneur Jésus Christ, à propos de laquelle Saint Paul écrivait les lignes suivantes:
» Or, si l’on prêche que Christ est ressuscité des morts, comment quelques-uns parmi vous disent-ils qu’il n’y a point de résurrection des morts? 15.13 S’il n’y a point de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité.
15.14 Et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votre foi aussi est vaine. 15.15 Il se trouve même que nous sommes de faux témoins à l’égard de Dieu, puisque nous avons témoigné contre Dieu qu’il a ressuscité Christ, tandis qu’il ne l’aurait pas ressuscité, si les morts ne ressuscitent point. 15.16 Car si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n’est pas ressuscité. 15.17 Et si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés,
15.18 et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus.
15.19 Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes.
15.20 Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts.
15.21 Car, puisque la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’est venue la résurrection des morts.
15.22 Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, 15.23 mais chacun en son rang. Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent à Christ, lors de son avènement. 15.24
Ensuite viendra la fin, quand il remettra le royaume à celui qui est Dieu et Père, après avoir détruit toute domination, toute autorité et toute puissance. 15.25 Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous les ennemis sous ses pieds.
15.26 Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort. 15.27 Dieu, en effet, a tout mis sous ses pieds. Mais lorsqu’il dit que tout lui a été soumis, il est évident que celui qui lui a soumis toutes choses est excepté. 15.28 Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. 15.29 » (I Co. 15, 13-29).
La Bonne Nouvelle annoncée par les Evangiles, dans leur contenu comme dans l’étymologie de leur nom, trouve son aboutissement dans cette victoire ultime du Bien contre le mal: celle de la vie sur la mort.
Comment une telle célébration de la vie pourrait-elle rencontrer un écho dans une musique qui parait tirer son esthétique de la représentation idéalisée et absolutisée de la maladie, de la souffrance, et dela mort ? N’y-a-t-il pas là une contradiction interne radicale dans le projet des musiciens de black metal chrétien?
1) La figure du Christ crucifié: le bien défiguré, aboutissement ultime du mal
Faisons tout d’abord retour sur cet épisode de la Passion, qui précède Pâques, et dont il est fait mémoire dans la célébration du Vendredi Saint:
“Le mal est si prégnant que liturgiquement on n’invite pas l’assemblée à faire
corps, puisque celui dont elle est le Corps est sur la croix. On ne commence pas la célébration par
« prions le Seigneur » C’est la seule fois de l’année. On s’adresse directement au Seigneur et avant
de faire place à la mort et à la souffrance on reconnaît son amour infini, sans mesure au plus creux de
l’iniquité. La liturgie du vendredi saint confesse un Dieu aimant sans mesure face au mal et à la
souffrance. Les premières paroles de la célébration sont les suivantes : « Seigneur, nous savons que
tu aimes sans mesure….aujourd’hui encore, montre-nous ton amour » (prière d’ouverture).
On lit ensuite le texte du serviteur souffrant ( Is 52,13-53,12) On ne peut ici s’empêcher de faire le
lien avec le texte lu le jeudi saint et le lavement des pieds. Le Christ a fait un geste de serviteur,
d’esclave. C’est le même serviteur qui a aimé jusqu’au bout qu’on célèbre lors du vendredi saint. La
liturgie n’édulcore pas la souffrance sans toutefois tomber dans le misérabilisme. Le texte d’Isaïe
est éloquent, on peut dire qu’il est l’éponyme de toute souffrance. Pour ne citer quelques passages
on peut relever
« il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme. … Il n’était ni beau, ni brillant pour
attirer nos regards, son extérieur n’avait rien pour nous plaire. Il était méprisé, abandonné
de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, nous l’avons méprisé, compté pour
rien. …Maltraité il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche…arrêté puis jugé, il a été supprimé… il
a été retranché de la terre des vivants, frappé à cause des péchés de son peuple… Le
Seigneur a voulu le broyer par la souffrance….parce qu’il a connu la souffrance, le juste
mon serviteur justifiera les multitudes… »Cf Is 52,13-53,12
Ce texte invite à évoquer différentes situations qui viennent spontanément à l’esprit. Le Fils de Dieu,
le Serviteur par excellence a connu cette descente dans la confrontation au mal. Le serviteur est
l’innocent, celui qui est étranger à tout mal et à toute violence. Or il connaît une contradiction
absolue puisqu’il est conduit à la mort. Ses souffrances l’ont défiguré au point de détourner les
regards. ” (www.theolarge.fr, “Le triduum pascal: victoire de l’amour sur la mort”).
“Il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme”: l’épisode de la Passion met en scène l’apparente victoire ultime du mal sur le Bien, la défiguration du Fils de Dieu, de celui par qui le Salut nous est offert. Dieu s’est fait homme, et le voici torturé, brisé, scarifié, outragé, de telle sorte qu’il ne ressemble plus à un homme. Il nous a apporté le témoignage de Son Amour, par la voix de Son Fils, et voici que Celui-ci, suspendu à une croix, entre deux voleurs, condamné alors que le même jour un criminel de la pire espèce, Barabbas, a été gracié, illustre par le spectacle de son agonie la haine des hommes. Il devait annoncer la Justice, et il consacre par sa mort le triomphe de l’injustice. Celui qui a été transfiguré sur le Mont Thabor (Mt 17, 19 ; Me 9, 2-13, Lc 9, 28-36) est maintenant défiguré, celui qui annonçait la Vie éternelle pour les hommes est vaincu de la manière la plus horrible qui soit par la mort. Il s’agit là du blasphème suprême: condamner celui qui est appelé à nous juger, et qui est l’avocat de notre pardon. Provoquer Sa mort alors qu’Il nous apporte la Vie. Meurtrir Sa chair, La défigurer alors qu’il nous promet la transfiguration de la notre.
2) Le black metal, musique de la défiguration, de la maladie, de la mort… musique du mal?
A lire le nom des groupes de black metal et les textes de leurs chansons, à regarder les photographies des groupes sur scène, à écouter leur musique, beaucoup de chrétiens sont tentés d’y trouver la stricte équivalence artistique de ce scandale de la Passion du Christ, une défiguration de ce qui a vocation a transfigurer les sons, et à élever notre âme, qui par dessus le marché superpose à son entreprise de transgression radicale de l’art la célébration du blasphème et de la mort dans ses thématiques et ses mises en scènes:
– Plusieurs groupes ont des noms qui évoquent ouvertement la Passion (Impaled Nazarene, Rotting Christ, Christ Beheaded…), et de plus nombreux groupes encore ont des paroles du même type dans leurs chansons, que les cathos anti-hellfest se font régulièrement un devoir de pointer.
– Les pochettes, les harmonies, les mises en scènes, même lorsqu’elles ne sont pas explicitement blasphèmatoires, évoquent la mort, la maladie, la souffrance: à la Bonne Nouvelle du Christ semble pouvoir être opposée la Mauvaise Nouvelle du Black Metal, le rappel de la présence irréductible du mal sur notre planète, voire la célébration de sa puissance:
“Nous faisons du Black-Metal. Ce terme devrait suffire à décrire nos activités.
Le Black-Metal est censé glorifier le mal, tout ce qui gangrène l’être humain. Le Black-Metal est une projection de haine à l’égard de l’humanité dans son ensemble, passée, présente ou future. Il se doit d’être sombre, morbide, malsain, et nuisible à tout être humain, y compris à celui qui le produit. Toutes déviances à cela ne peuvent plus être considérées comme du Black-Metal pur et digne selon nous.
Les divergences conceptuelles entre les groupes de Black-Metal ne devraient porter que sur les raisons de la glorification des ténèbres et de la haine à l’égard de leur propre espèce” (Interview du groupe Supplicium sur le site La Horde Noire).
– Les musiciens de black metal portent sur scène des accoutrements martiaux, qui évoquent la violence et la guerre, et se maquillent à l’image de cadavres (les fameux “corpse paints”). Ils achèvent ce que certains pourraient prendre pour une défiguration de leur humanité quotidienne, après avoir remplacé leur visage par celui d’un mort, en substituant au nom qui leur a été donné par leurs parents, leur nom de baptème s’ils ont été baptisés, un pseudonyme d’allure fantastique et souvent inquiétante.
– La musique elle-même (où son cliché le plus répandu tout du moins), souvent marquée en apparence (avec de nombreuses exceptions cela dit) par des chants essentiellement criés et aux sonorités inhumaines, de la batterie à fond la caisse, et des guitares dont d’aucuns rapprochent le jeu du son d’une tronçonneuse en pleine action, semble à l’oreille non habituée une entreprise de destruction systématique de tout ce qui dans cet art permet de créer de la beauté et du plaisir esthétique. A tel point que beaucoup d’auditeurs peu habitués au metal pourraient être tentés de transposer à son sujet la phrase d’Isaïe de la manière suivante: “Elle était si défigurée qu’elle ne ressemblait plus à de la musique”. Une musique aussi morbide, aussi agressive, aussi transgressive de tous les codes usuels du Beau, semble bien être l’équivalent artistique du Scandale de la Passion, beaucoup plus que de la Joie Pascale, et être incompatible avec une perspective et une inspiration chrétiennes, être du côté du laid, du mal, de la souffrance. Etre appelée à être transcendée et anéantie par l’Alleluia de la Vigile Pascale.
Et pourtant, de plus en plus nombreuses sont les personnes à se réclamer d’un black metal chrétien, dont l’auteur de ces lignes…
3) La transfiguration de la Croix: comment donner une signification chrétienne au black metal?
Lors du triduum pascal, les trois jours qui précèdent Pâques, les chrétiens sont appelés à prouver les ténèbres qui précèdent la Résurrection du Christ à Pâques, au travers du lavement des pieds au dernier repas, de la prière au Jardin des Oliviers et de Son arrestation, de Sa Passion et Sa mise en croix, et du temps où Il gise dans Son tombeau et fait l’expérience de la mort, lot de tous les hommes.ne s’agit pas d’un temps de désespoir, de révolte ou d’abandon, mais d’attente et d’espérance:
“ La vue d’un supplicié n’a rien d’attirant, il provoque ceux qui passent à détourner le regard. La mort fait peur, et celle de Jésus aussi a fait fuir les disciples. Pourtant l’Evangéliste cite l’Ecriture : « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont
transpercé » (Jn 19, 37) Que se passe-t-il donc, pourquoi un tel renversement ? De manière
extrêmement étonnante, Jésus meurt et sa mort donne vie, sa mort est porteuse de vie parce qu’elle
transforme profondément celui qui la contemple. Pourtant il ne faut pas ni édulcorer, ni enjoliver la
croix. On ne peut pas faire que Jésus n’ait pas la connu la violence la plus nue, la solitude la plus
totale, le mal à l’état brut qui s’acharne sur l’innocent mais ce qui montre que la mort et le mal n’auront
pas le dernier mot c’est que la vision de sa mort transforme ceux qui la regardent. En Jésus crucifié et
souffrant se communique l’amour de Dieu. Regarder la croix c’est accepter de se laisser envahir par
l’amour du Christ qui nous désarme, qui nous déconcerte, c’est dire l’amour du Père y compris dans
son silence et c’est laisser l’Esprit nous transformer profondément. C’est alors tout le sens du geste
proposé par la liturgie de l’adoration de la croix. On n’adore pas la croix pour dire oui à la souffrance,
on adore la croix parce que un regard porté sur la croix nous dit l’amour fou de Dieu pour nous, parce
qu’elle a porté le salut du monde. « Voici le bois de la croix, qui a porté le salut du monde, venez
adorons. » C’est un geste très ancien que l’on trouve aussi fin 4ème, début 5èmesiècle à Jérusalem.
Comme le dit très justement Bernard Sesboüé « le négatif de la violence est absorbé dans le positif de
la tendresse. Le signe de la condamnation devient celui de la grâce et du pardon, le symbole de la
faiblesse devient celui de la force toute-puissante, dépourvue de toute violence ». C’est cela que
signifie ce signe liturgique de l’adoration de la croix qui peut surprendre. Adorer la croix ne signifie pas
une acceptation de toute souffrance ou une exaltation de la souffrance. C’est une liturgie qui a un
sens beaucoup plus profond. Elle signifie que la violence, le mal, auxquels on n’échappe pas, sont
transfigurés par le Christ. Adorer la croix liturgiquement et ici le mot adoration est à sa place plus que
partout ailleurs, se mettre à genoux devant la croix, l’embrasser c’est reconnaître qu’elle a donné au
chrétien sa suprême élévation. Adorer la croix c’est un geste de foi, c’est confesser la victoire de
l’amour sur toute souffrance, sur toute mort et accepter d’entrer dans la suite du Christ” (www.theolarge.fr, “Le triduum pascal: victoire de l’amour sur la mort”).
Le Christ meurt sur la Croix, certes, mais loin d’être renvoyé à l’absurdité apparente de la condition humaine par cette mort injuste et cruelle, il vient lui donner un sens et une espérance, par sa Résurrection.
D’une manière certes profondément différente et infiniment inférieure, mais à mon avis cruciale, je voudrais faire remarquer que le black metal opère quelque chose d’un peu d’analogue, lorsqu’il rassemble toutes les thématiques, tous les sentiments, toutes les émotions, tous les actes, tous les évènements, profondément liés à ce qui semble tragique, absurde, cruel, injuste, dans notre existence, et les transforme en art: transfigure le mal, la destruction, par la création, en les mettant en scène, et en leur donnant une esthétique, en les partageant avec des mots, une mise en scène, des codes musicaux, au sein d’une communauté, en les faisant l’occasion d’un rassemblement et d’un partage, là où ils sont l’expression dans notre vie quotidienne de la division et de l’incommunication :
“La souffrance de l’âme accompagne l’homme depuis ses origines. Se manifestant sous la forme d’un profond mal de vivre, elle inspire les poètes depuis l’antiquité. Toutes les époques connaissent des mouvements artistiques qui puisent leur inspiration dans cette affliction et le Black Metal fait partie de cette histoire. Puisant sa force dans les zones les plus sombres de la psyché humaine, cette musique exprime de façon violente la douleur ressentie par l’esprit, phénomène insaisissable mais commun à tous les peuples.
[…]C’est depuis la Norvège que nous parvient la prochaine émanation d’un style toujours en gestation. […]
Les premières notes de Suicide Syndrome donnent le ton : adagio, agrémenté d’un hurlement au saxophone, qui confère à cette ouverture un aspect sinistre. La voix, déchirée ou lourde (un peu à la manière d’Attila Csihar) complète un dispositif destiné à créer une atmosphère étouffante, que seul un solo de guitare permet de percer. Cette ambiance devient plus agressive avec One Last Night, où l’on perçoit une urgence désespérée et difficilement contenue. Mais ce sont les deux pièces suivantes qui nous amènent au pinacle. Perfect nous force à ressentir une ironie grinçante, émise par un esprit en décomposition. Ressemblant musicalement à certains airs deRammstein, cette chanson est la plus entraînante de l’album. On change de registre avec Suffer in Silence et son introduction classique. Les accords traînants d’un duo à cordes entament une descente dans les abîmes. Avec la participation de Niklas Kvarforth (Shining), cette chanson exprime une souffrance extrême, manifestée par une orchestration complexe, des passages à la guitare sèche et des pleurs féminins. De l’émotion négative pure. My Precious se déploie quant à elle grâce à une ouverture torturée et une rythmique pesante, alors que la pièce titre s’articule autour d’un air rock et d’une voix étouffée. Concluant l’album, New Life – New Beginning surprend d’emblée par son utilisation affirmée de la trompette, qui donne un relief inattendu à une chanson métal. Complétant la boucle, l’auteur nous laisse partir avec un solo de guitare qui s’évanouit dans le silence.
Nous obtenons avec Livsgnist une nouvelle preuve du potentiel créatif engendrée par la souffrance de l’âme. Cet album nous permet d’admirer le travail d’un artiste qui parvient à transcender plusieurs genres musicaux afin d’en retirer des sonorités uniques. Tout cet effort de composition souligne le talent d’un groupe auquel est promis, je l’espère, un brillant avenir” (Chronique de l’album Livsgnist de So Much For Nothing , sur le blog Metal Obscur).
Ce que me paraissent faire la plupart des musiciens de black metal, lorsqu’ils composent un morceau ou un album, c’est mettre en notes toutes leurs angoisses, toutes leurs déceptions, toute leur révolte, tout leur mal être, tout ce qui parait absurde, dénué de signification, et contreproductif dans leur existence, pour donner un sens à ce qui ne semble pas en avoir, pour créer quelque chose de durable, de destiné à être apprécié et partager, à partir de ce qui parait enliser leur vie dans l’inertie, le néant et les ténèbres. S’il est vrai que certains groupes tiennent un discours complaisant ou inutilement provocateur sur leurs thématiques, et qu’une petite minorité s’est laissée aspirer par les ténèbres, pour commettre des actes très graves et/ou sombrer dans la folie, le black metal est foncièrement une tentative de donner du sens à ce qui parait ne pas en avoir, une revendication du désir d’exister et de créer contre les ténèbres et la fragilité qui semblent diriger nos vies. A ce titre, si cette revendication peut se borner à n’être qu’un cri de haine ou de désespoir, un simple constat de la méchanceté et de l’absurdité apparentes de notre monde, elle me parait pouvoir aboutir de manière bien plus juste et profonde dans une forme de quête de la beauté derrière la souffrance et les ténèbres, qui les transfigurent pour illuminer l’âme de l’artiste et de l’auditeur à partir d’émotions et d’états d’âmes qui étaient initialement sources d’angoisse et de confusion. Il n’est donc pas étonnant que l’engouement pour le black metal, qui a accompagné certaines personnes dans leur déchéance, voire leur mort, a pu en sauver d’autres:
“[…] Alors oui, le Black-Metal est une musique extrême, violente, aux paroles crues et au visuel provoquant. Mais dans mon cas, et dans le cas de nombreuses personnes que je fréquente au quotidien, cette musique nous a sauvé en nous donnant la force d’affronter la violence qui consiste à grandir en banlieue Parisienne.
Pour vous donner un petit profil des membres de mon groupe : un journaliste, un juriste, un chômeur, un neuro-psychologue et moi qui suis psychologue du travail. Et il en est de même pour une grande partie des membres de groupes que je fréquente.
Avant même d’être des Black-Metalleux nous sommes, en tout humilité, des gens biens et intégrés” (Enquêtes et débats: réaction en commentaire d’un black metalleux à la présentation d’un ènième ouvrage de dénonciation du “satanisme”).
Alors le recours à des thématiques chrétiennes n’est certainement pas la seule manière d’exprimer cette recherche’un sens par delà la souffrance et l’absurde, d’un bien caché au sein du mal. De nombreux groupes pas du tout chrétiens créent chaque année des morceaux d’une beauté à la fois paradoxal et riche de sens et d’éotion pour l’auditeur. Cette recherche de sens, qui passe prioritairement par l’expérimentation musicale, se constate dans la richesse musicale du black, beaucoup plus varié que beaucoup de personnes ne le croient. Mais on voit que le black metal, qui finalement est souvent porteur d’une forme d’espérance, d’un désir de percer les ténèbres, s’il semble certes trop sombre et froid pour chanter la joie pascale, parait éminemment compatible avec cette disposition à l’attente dans la nuit qui est la plupart des jours de notre vie notre quotidien de chrétiens, et dont on trouve l’expression liturgique dans l’accompagnement du Christ dans Ses souffrances et Sa mise en croix le Vendredi Saint, et dans l’attente tout au long du Samedi Saint de Sa Résurrectiondans la nuit de Pâques.
Pour conclure ce billet, et juste avant de me rendre à la Vigile Pascale, je voudrais partager avec vous un texte d’un groupe de black metal chrétien (bon, de blackened death metal, pour être vraiment précis) qui me parle intérieurement, et qui correspond à la vidéo en début d’article:
My Grief, My Remembrance (Crimson Moonlight, album “Veil of Remembrance”)
”Who put an end to all the beauty…?
The splendour of the days gone by…
It?s mild and steady glow that lit up the gloomy loneliness..?
What could turn all the warm and true happiness
Into cold desperate tears without end..?
What made the strong, tough man become again
a scared little boy…?
I watch out over the desert of Death ..
It’s silent, barren landscape surrounds me…
I feel cold…
The burning sun, always shining brightly,
Giving me warmth and light…
Tell me, is it gone for ever…?
Has its vitalizing warmth for ever been extinct
By gloomy, heavy fog..?
Again I feel the mortal horror bite me
As I stare at all these deaths
Which were once full of life,
Which were once life itself…
The birds under the sky have fallen in the dark,
Their wings, deprived of their strength, can’t carry them any more…
Birdsongs have died away into silence,
Slowly died away has every joyous symphony…
The wild beasts are not to be seen any more,
To their burrows they have returned to find peace for time indefinite…
The acres of flowery meadows,
The flowers have bowed their heads to the ground,
And have all returned to earth…
Just the thistles and thorns are still standing erect
As I stand like a withered rose
Alone with all my pain…
To the brim full of sorrow,wounded and forgotten…
But always carrying my remembrance
Of a Hope that never dies…”
Et comme l’attente dans les ténèbres finit par céder place à la lumière, je vous laisse et vous souhaite une joyeuse Fête de Pâques! 🙂