Archive pour Antestor

Quelques éléments de réponse préliminaires à certaines objections au « black metal chrétien »…

Posted in Unblack Metal with tags , , , , , , , , , , , , , on 17 octobre 2012 by Darth Manu

Ce « billet » n’en est pas vraiment un, mais est un copier-coller d’un commentaire que j’ai posté sous le précédent, en réponse à certaines objections qui m’étaient faites sur la question de la légitimité ou non d’un black metal chrétien. En attendant un second billet plus approfondi sur cette question, à paraitre d’ici la mi-novembre, il a pour raison d’être, d’une part, d’éviter de trop « flooder » un article davantage axé sur les relations entre black metal, christianisme et art contemporain, d’autre part de rendre plus visible cette discussion intéressante qui est menée depuis plusieurs jours sur « l’unblack metal »:

Je pense qu’il y a un petit malentendu sur ce que j’entends par « black metal chrétien ». J’y consacrerai prochainement un billet à part entière, probablement d’ici la mi-novembre, mais je vais donner dès maintenant quelques éclaircissements très rapides.

En premier lieu, quand je parle de black metal « chrétien », je ne l’entends pas au sens où l’on peut dire que Glorious est de la pop chrétienne, ou même que HB, Stryper ou Theocracy sont du metal chrétien. Le black metal, en tant que support musical, ne permet pas de manifester toute la Gloire de la Résurrection dans toute sa plénitude et son achèvement. C’est en ce sens que j’écris plus haut qu’on ne peut pas faire d’alleluia black metal. Le black metal, précisément en ce sens que sa quête de la violence et du désespoir à l’état pur est aporétique, qu’elle ne débouche certes pas sur la révélation pleine et entière d’une transcendance, mais qu’il échoue également à concrétiser cette négation absolue de Dieu cherchée par ses géniteurs, pose une question, celle de la possibilité de la conversion (et inversement celle de la possibilité de l’apostasie). Il n’y répond pas, il la pose juste. Et en ce sens, d’un point de vue chrétien, il est intrinsèquement limité et effectivement « impuissant ». C’est pourquoi personnellement je n’écoute pas que du black metal, mais j’alterne avec des épisodes découte de heavy metal, de power metal, de metal symphonique, de msuique proprement religieuse même, toutes beaucoup plus à même d’exprimer la joie pascale. C’est pourquoi également je concluais un précédent billet, qui m’avait servi de méditation l’an dernier lors du samedi saint, par la phrase suivante:

« Et comme l’attente dans les ténèbres finit par céder place à la lumière, je vous laisse et vous souhaite une joyeuse Fête de Pâques! »

Pourtant, je défends cette quête d’un black metal chrétien pour les raisons suivantes:

– D’une part parce que cette question est un fait historique, et est posée par de nombreuses personnes dans de nombreux pays, et quasiment depuis l’apparition du black metal en tant que telle. Des personnes aiment profondément cette musique, sont chrétiennes, luttent pour trouver une cohérence entre ces deux aspects de leur vie, et je pense que la moindre des choses vis à vis de ces témoignages est de poser cette question à fond.

– D’autre part, du point de vue de mon expérience personnelle:j’ai commencé à écouter du black metal à l’âge de 18 ans (j’en ai 35 aujourd’hui) dans une période de révolte contre l’Eglise et le christianisme. A l’époque, j’étais profondément attiré par l’angle sataniste, au fond plus encore que par la musique elle-même. En fait, je voulais moi-même devenir sataniste, même si concrètement ça ne s’est jamaisfait. Je suis revenu définitivement dans l’Eglise, après un long et douloureux cheminement personnel, à 28 ans. A cette époque, je n’écoutais plus de msuique, mais vraiment plus du tout. Vers 31 ans, j’en ai conçu du regret, et ai recommencé à écouter du metal, en privilégiant son expression chrétienne. Ce que j’ai remarqué, c’est que bien que j’ai définitivement tourné la page de la révolte, et que l’aspect anti chrétien du black metal me parait aberrant, j’apprécie toujours la musique, et en fait davantage qu’avant, même si c’est par période alternée avec des périodes où j’écoute d’autres styles.Ma question est « pourquoi? ». Je ne dis pas que j’y ai pleinement répondu, mais c’est l’un des objectifs de ce blog d’y arriver.

S’il est certain que je n’imagine pas que l’on passe du black metal même chrétien dans des rassemblements type JMJ ou FRAT comme on y passe du Glorious ou du Agapè, il m’a semblé cepndant distinguer trois compréhensions de ce terme « black metal chrétien », qui me paraissent légitime.

1) D’un point de vue interne au black metal: le black metal ne peut exprimer la conversion en tant que telle, mais il en suggère la possibilité. Le fait qu’il y ait du black metal chrétien peut se concevoir comme un phare dans la nuit du black metal (d’où le titre de mon blog, même si c’est aussi une chanson des Beatles).Ce que les groupes de black metal chrétien rappellent, qu’on soit convaincu ou pas par l’adaptation du black metal à leur foi (en fait très diverse, comme je le montrerai dans mon billet) qu’ils proposent, c’est que même au plus profonde de la nuit, au plus profond de la révolte, la possibilité d’être touché par Dieu, la proposition de sa Grâce, demeure. Ce qui me parait exprimé de façon tout à fait géniale par l’intro de l’abum Hellig Usvart, de Horde: « A Church Bell Tolls Amidst the Frozen Nordic Winds ». Commel’indique ce titre, on entend les murmures d’un vent qu’on imagine souffler puissament sur les étendues désertiques de la Norvège, tant célébrées par certains groupes de black metal, et au loin, la cloche d’une église. D’une manière différente, l’unique membre du groupe Elgibbor, qui était sataniste, drogué, alcoolique, s’est converti et abandonné quasi instantanément, et à vrai dire miraculeusement toutes ses addictions (et pour connaitre des personnes en proie à certaines, je sais que c’est loin d’être évident). Il ne faisait plus siennes cette souffrance et cette impuissance présentes dans le black metal. Pourtant il a éprouvé le besoin de rester dans le milieu du black metal, et de monter son groupe, non pas pour exprimer  sa propre impuissance, son propre désespoir, sa propre souffrance, mais comme un témoignage qu’il a connu les sentiments exprimés par le black metal, et que pourtant il a trouvé une issue dans sa foi (en gardant à l’esprit qu’il est préférable de ne pas inscrire cette démarche dans une perspective de prosélytisme ou d’entrisme, que beaucoup de black metalleux craignent et dénoncent à juste titre, mais comme un simple témoignage, qui renvoie chaun à son jugement propre et à son parcours: la conversion ne s’impose pas: elle inspire (ou non) les coeurs).

2) D’un point de vue interne au christianisme, sans doute plus intellectuel que spirituel: le black metal, comme je l’ai souvent écrit, exprime le point de passage limite entre la négation la plus absolue de Dieu et la conversion, précisément parce qu’il est si limité et ontradictoire, que vouloir vivre pleinement la « philosophie black metal » mène soit à l’enfermement et à la folie, soit à essayer de briser ce cercle vicieux, en posant des limites ou en changeant son point de vue, entre autre, et de façon extrême, par la conversion. Et c’est intéressant d’un point de vue chrétien, et il ne me parait guère surprenant que certains groupes d’unblack, ainsi Antestor, par exemple avec son morceau Betrayed qui porte sur le suicide, se soient attachés à cette thématique. Il est certes évident que se focaliser sur cet aspects de la vie de foi, qui peut être aussi bien l’instant précédent la conversion, que celui où on endure l’attente de Dieu au plus profond des ténèbres d’une épreuve, peut mener à l’enfermement aussi sûrement que le « true black metal », si on oublie qu’il doit nécessairement s’effacer pour laisser place à la conversion, mieux exprimée sans doute par d’autres genres musicaux. Il est évident aussi que la « violence » de l’art chrétien est très différente de la violence du black metal, précisément parce qu’elle est moins complaisante, qu’elle est orientée vers un sens, mais c’est justement le choc de cette différence qui rend cette confrontation intéressante à mes yeux.

3) Toujours d’un point de vue interne au christianisme, mais probablement plus spirituel, quoique plus diffus, parfois, la musique proprement chrétienne, orientée vers la joie, l’espérance et tout, peut enfermer et couper de la vie de foi elle-même. Parfois, dans certains rassemblements, dans certaines célébrations, l’accent mis sur cette joie peut paraitre un peu artificiel, détacher un peu du souvenir de toutes ces souffrances bien réelles, qui peuvent briser nette notre foi si celle-ci est trop naïve et idéalisée. Parfois, après un « temps fort » chrétien, je ressens vraiment le besoin d’écouter du black metal, à la manière dont on tend en sens inverse un ressort pour le redresser.

Enfin, il existe de nombreux (quoique pas très très très nombreux ) black metalleux chrétiens, qui chacun à leur manière, tentent de répondre à cette question que je me pose avec eux. Et même si il y a des exemples de ratages criants, ainsi certains groupes dont le discours me ferait presque regretter celui des black metalleux plus traditionnels ou ce cas récent d’un groupe d’unblack qui a brutalement retourné sa veste pour faire du black violemment anti chrétien (Ancient Plague, désormais renommé Litany of Scars), ce qui nous rappelle que ce point de passage exprimé par le black metal est dans les deux sens, vers la conversion, mais aussi vers l’apostasie, je choisis de faire confiance à la majorité d’entre eux pour me surprendre et apporter des réponses auxquelles je n’aurais pas pensé (ainsi l’un des morceaux les plus convaincants de Crimson Moonlight, tant musicalement qu’au niveau du texte, Thy Wilderness, réinterprète dans une perspective chrétienne, de manière très intéressante, l’exaltation de la nature et des paysages scandinaves présente chez de nombreux groupes de black).

Je comprends que cette approche du black puisse paraitre « ennuyeuse » pour des personnes qui ne sont pas habitées par de telles questions. Mais force est de reconnaitre qu’elle ne l’est pas pour tous (et de même, il y a aussi des personnes, même bien disposées, que le black metal en général ennuie profondément)…

Pour un accueil nuancé du black metal chrétien

Posted in Unblack Metal with tags , , , , , , , , , , on 8 février 2011 by Darth Manu

L’existence du black metal chrétien commence à être bien connue de tous, mais son essort semble freiné par les stéréotypes qui circulent à son sujet, y compris parfois chez les métalleux chrétiens.

Nous pouvons ainsi lire dans L’Age du Metal de Robert Culat:

« On peut considérer le black metal comme une inversion des valeurs religieuses du christianisme. Le white metal pratique alors comme une inversion de l’inversion! A la haine que les blackeux ont pour la religion il oppose un zèle chrétien allant jusu’au prosélytisme. […] On l’aura compris le white metal n’est pas tant un style musical qu’une idéologie utilisant les différents genres de metal: black, death et thrash principalement. C’est ainsi qu’on aboutit au paradoxe lexical suivant: tel groupe de white metal joue du black metal » (p. 292).

« […] les membres de groupes de white metal se sentent investis d’une mission divine auprès de ceux qui sont « perdus ».  La musique n’est qu’un instrument de la prédication et de la catéchèse. Reste une question essentielle: est-ce que les brebis perdues écoutent du white metal?Etant donné le caractère extrêmmement minoritaire de ce courant à l’intérieur du metal on peut en douter… « (p. 294 et 295).

Ce qui nous donne un excellent résumé par un catholique métalleux des préjugé des black metalleux à l’égard du unblack metal

Qu’en est-il dans les faits?

Il est vrai que si l’on considère les paroles du groupe qui a donné son nom au unblack metal, Horde, on constate en effet qu’elles appliquent au satanisme le traitement ordinairement infligé au christianisme par les groupes de black metal. Il n’y a qu’à lire les titres de l’album Hellig Usvart:

« 1. A Church Bell Tolls Amidst the Frozen Nordic Winds    
2. Blasphemous Abomination of the Satanic Pentagram    
3. Behold, the Rising of the Scarlet Moon    
4. Thine Hour Hast Come    
5. Release and Clothe the Virgin Sacrifice    
6. Drink From the Chalice of Blood    
7. Silence the Blasphemous Chanting    
8. Invert the Inverted Cross    
9. An Abandoned Grave Bathes Softly in the Falling Moonlight    
10. Crush the Bloodied Horns of the Goat    
11. Weak, Feeble, Dying, Antichrist    
12. The Day of Total Armageddon Holocaust »    (Source Encyclopaedia Metallum).    

L’unique membre du groupe se sent-il pour autant « investi d’une mission divine« , fait-il preuve d’un « zèle chrétien allant jusqu’au prosélytisme« ? Lui-même s’en défend:

« Erasmus: There seems to be a great deal of confusion surrounding ‘Hellig Usvart’ and its original intention. Some are saying that Hellig Usvart was never intended to be a sincere release, but is rather a parody which pokes fun at the black metal scene. Care to shed some light on the subject? Did you ever intend to mock black metal?

Anonymous: Within the black metal scene, watching all the way across the world, all I could see was a bleak, dark, hopeless, lifeless and negative void. All I wanted to do was to shine a light into that darkness. Give an alternative that was comparable in sound to the scene I was trying to infiltrate, to provide some hope, some light. That was all. No mockery, no parody, no jokes. I would never mock any style of music, nor would I mock the musicians themselves. I have great respect for them. The music of Immortal, Emperor, Dimmu Borgir, Satyricon, etc. is incredible, masterful. One can still show respect, while disagreeing with certain lyrical content. « (Interview par Son of Man Records).

Si on ne peut certes pas totalement nier qu' »Anonymous » évoque une forme de mission divine, on voit que celle-ci s’exprime dans le respect du black metal et des black metalleux. Il ne s’agit pas d’inverser la haine que certains black metalleux vouent au christianisme, encore moins de faire du prosélytisme, d’autant plus que Horde n’a sorti qu’un unique album. J’y vois plutôt une sorte de clin d’oeil aux groupes de black metal norvégien du début des années 1990, si prompts à se prendre au sérieux.

Si le succès de Hellig Usvart a suscité plusieurs imitations (cf. Poems of shadow par exemple), la façon dont les divers groupes d’unblack metal choisissent d’assumer leur identité chrétienne est plus nuancée qu’on ne le dit.

A côté des groupes retournant les clichés du satanisme contre lui-même, on trouve de nombreux exemples d’une expression plus subtile et moins ostentatoire de cette dernière. Ainsi, dès les années 1990, des groupes tels que Crimson moonlight, Antestor ou Vaakevandring orientent leurs paroles vers des thématiques plus spirituelles, telles que l’angoisse, l’espérance, la prière, et l’expression symbolique de leur cheminement intérieur personnel.

« I see the lyrical writing as truly important and we want to be as honest and relevant as possible in our writing. I think it´s sad that so many extreme bands are writing about destructive things that I don´t stand for, like murder, violence, gore and killing Christians & it´s hard for me to take those bands seriously, but some bands really have something honest or important to say (Christian or not) and then it gives the music more respect! Almost all our lyrics are first made in Swedish and then translated to English. Because it´s a lot better to express feelings and experiences in the language we speak. All lyrics are kind of « real life experiences » explained in a poetic way. Myself (pilgrim) and Gustav have written all of them. Since my wife left me a couple of weeks before we released Covenant Progress 2003 I have been struggle a lot in the Shadow of Death. The lyrics that I have written is therefore a progress in my life from, (in order)My Grief, My Remembrance, The Cold Grip of Terror, Intimations of Everlasting Constancy to more recent things described in Embraced by the beauty of Cold and Illusion was true beauty. In all this confusion, dark grief and pain I have seen that our Lord Christ is the One he proclaim. He is the light that never fades away and His love is greater than all pain in the world. I know it´s true. So the lyrics also point on a light and a hope in God. Gustav´s lyrics is also personal experiences. His poetry goes quite deep and it´s a lot of reflections of life and faith from his own life, written in a very philosophical way » (interview de Pilgrim de Crimson Moonlight par Harm Magazine).

En ce sens, si de tels groupes expriment explicitement leur engagement chrétien dans les paroles de leurs morceaux, il s’agit moins de prosélytisme ou d’idéologie que de témoigner de leur foi, dans ce qu’elle leur a apporté de positif, mais également dans les difficultés et les moments de doûtes qui sont autant d’épreuves pour elle.

Ainsi le morceau Betrayed d’Antestor, loin de se réduire à une forme de propagande chrétienne, exprime de manière poignante les tentations du désespoir, du repli sur soi et du suicide, face à l’absence apparente de Dieu:

« BetrayedI am in pain
I am… the cursed one

Life is not what it was meant to be
What I didn’t ask for has now turned my way
Somewhere in a garden it all turned wrong
Things I once believed in have now turned evil

Yet I pray, « Deliver me from evil »
But another spell pulled me away

Will suicide break the ring of curse
Tomorrow I’ll be gone, so don’t look for me

I am lying on my death-bed, with chaos in my mind
My life took more than it gave
Betrayed and deceived I will now pass away
And with the gun in my hand, my questions
Are soon to be answered

Will suicide break the ring of curse…

Satan and god, the thought passes my mind
Heaven and hell, it’s not up to me
If the Christians that I’ve seen
Represent the true God of heaven
Then it’s not a place that I want to be
But if I’m blinded, please open my eyes
And help my now…

Will suicide break the ring of curse
Tomorrow I’ll be gone, then you’ll be all alone » (
source: Dark Lyrics).

Non seulement ces groupes ne vivent pas leur identité chrétienne comme une opposition ou un renversement de ce qu’est le black metal, mais ils rejettent souvent les appelations « unblack metal » et « white metal » . Certains groupes, comme Antestor  ou Shadow of Paragon par exemple, choisissent de nommer leur musique d’une manière qui la détache de toute polémique de nature religieuse, ni « white » ni « black« , en la baptisant d’un nom plus neutre, ainsi « sorrow metal » ou « extreme metal » respectivement pour nos deux exemples.

« We don’t even call our music black metal even. We call it Atmospheric Sorrow Metal. Because that’s more neutral. Then people wouldn’t say, « oh, you play black metal, you are Satanists ». There really is a sorrow sound, sad sound, in our music. And it’s kinda cold, winterly, Nordic in a way » (interview d’Antestor par Art of the Ears Webzine).

« We described our music as black metal for some time, since that is what we do sound like. But since many people do not refer black metal to the specific musical details rather than the ideological and religious values, we had to go around the problem and call it something else. We do have a mix of black and death influenses in our sound, but to be honest, “Extreme Metal” sounds more like what we really play theese days. To call ourselves un-black feels stupid since we are not against black metal or the black metal bands, we simply dont agree about much of what other secular bands are singing about. A situation that is certainly found in any genre between different bands and the normal thing is to just let it go. Agree to disagree 😉  » (interview de Shadow of Paragon par Lord of Metal).

D’autres groupes, comme Crimson Moonlight , revendiquent leur appartenance pure et simple au black metal tout court, qu’ils ne conçoivent alors pas comme une idéologie mais comme un courant musical neutre en lui-même, susceptible d’exprimer des thèmes satanistes aussi bien que des thèmes chrétiens:

 « We believe that all kinds of music are now neutral. I mean, a music genre cannot be “evil” itself. It all depends on the purpose: why you’re doing it and what the lyrics are about. I will use an illustration to explain: a knife in the hands of a murderer can kill life, but a knife in the hands of a doctor can save life. Now is the knife evil itself? No, it depends on how you use it. The power is in our hands to decide what we want to use music for. I know that many black metal fans react badly when we use the words “black metal” to describe our music, and we are sorry if we make people upset for that. But for us, BM is a musical genre. Listen to Veil of Remembrance and tell me what kind of music it is. I know that all BM from the beginning was all satanic and occult metal bands. But today even the secular scene says something else, because there are a lot of bands with satanic and occult lyrics (Deicide, Morbid Angel, God Among Insects) who are not called “black metal” and why is that? BM has grown and changed. We also believe that God created all tones and forms of harmonies and even styles of music. Humankind can use these gifts in different ways and styles » (Interview de Crimson Moonlight par Ultimate Metal).

Enfin, certains groupes qui sont généralement considérés comme des groupes d’unblack metal, parce que leurs membres ne cachent pas leur foi chrétienne, mais qui n’expriment pas celle-ci de manière explicite dans leurs morceaux, refusent parfois que leur musique soit désignée comme du « black metal chrétien », parce qu’ils estiment que leur discours touche à des vérités et des expériences plus larges et plus communément partagées que le christianisme au sens strict, ou que leur foi est de l’ordre de leur vie privé.

Je prendrai deux exemples:

Le groupe de viking metal Slechtvalk, dont les membres sont chrétiens mais estiment que leur foi ne regarde qu’eux:

« We regret to inform you that our show with Enslaved, which was supposed to take place on 20th of October in ‘De Kade’, Zaandam, has been cancelled. The reason for the cancellation was that, after some mails from certain narrow-minded individuals, the management of Enslaved got the impression that Slechtvalk is some kind of evangelizing metal band in veins of Stryper. According to the management, Enslaved does not to play with religious or political motivated bands. […] when Slechtvalk plays live, we just want to enjoy ourselves and give people a good show to look at and good music to listen to. All bands we’ve played with can tell you that we’ve kept our own views to ourselves, unless we were asked to share them and always showed respect if they disagreed and just drank a beer together and enjoyed good music » (Communiqué officiel du groupe Slechtvalk).

Slechtvalk exprime encore plus nettement son refus de lire dans les paroles de ses chansons et les thématiques de ses morceaux une tentative d’évangélisation ou de prédication dans une interview par le site metal message.

Le groupe Lo Ruhamah, qui est souvent classé parmi les groupes chrétiens mais dont les membres préfèrent laisser leurs convictions réelles dans le flou:

« Without being too long-winded on the matter, we still often comfortably utilize Christian symbols and imagery when conveying communion with the divine, but we do not exclusively adhere to any particular conception nor seek to propagate the views that often accompany them. As such, we are not comfortable being grouped with the general aims of ‘Christian metal’ as a means to further any particular religious convictions. I say this not to skirt the issue or to try to be intentionally abstruse to avoid some obvious connections we have to those beliefs, but rather to clarify our intentions. In the end we simply want to use the music as a catharsis; a means to exorcise and articulate our most profound spiritual experiences, but the band as a collective entity isn’t pushing the agenda of any specific religious group » (Interview par Teeth of the divine).

On voit donc que le cliché du groupe de black metal chrétien pour qui la musique n’est qu’un instrument de propagande et d’infiltration du milieu du metal extrême, qui n’a pas d’attachement ou d’intérêt sincères pour le genre BM ou pour la création artistique mais qui cherche à récupérer sa relative popularité, ne correspond pas à la démarche réelle de la plupart des groupes d’unblack metal importants. Bien au contraire, ceux-ci sont non seulement souvent conscients de ce risque, mais font tout pour ne pas réduire leur musique à de l’idéologie. Ils cherchent réellement à forger un discours qui ne s’enferme ni dans une posture simpliste de « riposte chrétienne », ni dans une prédication désincarnée et dissociée de la spécificité musicale du genre à l’image de ce qui est parfois reproché à des groupes de metal chrétien plus mainstream comme Stryper ou Mortification, mais qui centre leur effort de création artistique sur la musique et la manière dont elle exprime leur intériorité et leur expérience personnelle, sans le réduire à une doctrine arbitrairement plaquée sur des compositions qui exprimeraient le contraire de son contenu dans leur musicalité . L’enjeu du black metal chrétien n’est pas de soumettre un courant musical à une nouvelle idéologie, mais au contraire de le délivrer de celle qui l’accompagne depuis sa naissance et à laquelle il est généralement associé, en montrant qu’il est assez riche pour exprimer également des idées et des expériences intéressantes pour le point de vue contraire.

Au terme de ce billet, je pense donc que l’intérêt principal de l’unblack metal est de permettre la rupture du black metal d’avec ses racines idéologiques, pour trouver la reconnaissance qu’il mérite en tant que genre musical à part entière…