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Christianisme et métal: témoigner de notre joie plutôt que de notre peur, des deux côtés…

Posted in Hellfest with tags , , , , , , , , , , , on 26 avril 2011 by Darth Manu

Comme je le montrais dans mes précédents billets, tant les opposants au Hellfest que ses organisateurs semblent estimer que « le temps du dialogue est révolu » et que l’heure est aux rapports de force et aux pressions, que celles-ci s’exercent au travers de pétitions ou de courriers à des responsables politiques, des sponsors ou des hébergeurs de blogs.

J’ai abondamment montré dans mes précédents billets pourquoi j’estime que les catholiques hostiles au Hellfest ont tort de choisir cette voie plutôt que celle peut-être moins exaltante et de plus longue haleine mais plus juste et fructueuse du dialogue.

J’aimerais exposer dans cet article les raisons pour lesquels je pense que certaines des inquiétudes exprimées par des sites tels que Les Yeux Ouverts et autres  ne sont pas toutes dépourvues de légitimité, et qu’il y a aussi une ouverture qui doit s’opérer côté métalleux.

Comme chacun sait, le catholicisme est en recul en France, même si la prise de conscience de ce fait conduit à une mobilisation plus importante des fidèles dans la vie publique, et à un dynamisme renouvelé (http://www.koztoujours.fr/?p=12047).

On a bien sûr le droit de  désapprouver l’enseignement de l’Eglise, ou certains aspects de son histoire, et de se féliciter de ce que le catholicisme soit en train de devenir une minorité (une grosse et influente minorité cela dit). Mais si ce qui est souvent reproché aux chrétiens (à mon avis de façon exagérée) est d’avoir favorisé des situations d’exclusion (des femmes, des homosexuels, des minorités religieuses…), il me semble que c’est une bonne raison pour veiller à ne pas devenir soi-même celui qui exclut.

Je voudrais témoigner à ce sujet d’une expérience qui m’a profondément marqué: l’an dernier, j’accompagnais un groupe de lycéens à Lourdes, dans le cadre du FRAT, un pélerinage qui rassemble tous les deux ans en ce lieu l’ensemble des aumôneries catholiques de lycées d’Ile de France. Parmi les activités au programme, il y avait quatre temps de « carrefour », c’est-à-dire des moments d’échange en petits groupe autour de la manière dont chaque jeune abordait et vivait sa foi. Chaque animateur accompagnait dans cette démarche un groupe de jeunes qu’il ne connaissait pas. Lors des deux premiers carrefours, mon groupe semblait plus intéressé par les rigolades entre amis que de parler de la foi chrétienne. Le troisième carrefour fut l’occasion pour certains de pointer tel ou tel moment de célébration ou de prière qui l’avait touché. Lors du quatrième carrefour, j’étais assez crevé, et comme c’était presque la fin du séjour, j’ai rassemblé mon groupe autour de sodas dans un café. Lors du bilan, les lycéens m’ont dit que ce qu’ils avaient apprécié dans le FRAT, s’était de se retrouver en tre amis, mais plus encore, entre amis chrétiens, et de pouvoir discuter de leur foi ensemble. Parce qu’à l’école, dans la vie de tous les jours, ils n’osent pas, parce qu’ils ont peur des moqueries de leurs camarades, ou de l’agressivité de ceux pour qui le catholicisme se réduit à l’Inquisition et aux affaires de pédophilie.

Mais le catholicisme, j’en fais l’expérience chaque jour, ne se réduit pas à ça. Pour beaucoup de catholiques, au travers des célébrations, des retraites, des activités en paroisse ou en milieu associatif, ou encore de la prière personnelle, la foi chrétienne est ce qui apporte de la beauté et du sens à leur vie, d’une manière qui n’est pas si différente de celle dont beaucoup de métalleux donnent une saveur à leur vie par le moyen de la création musicale.

Go^tons ensemble par exemple ce témoignage (parce que la spiritualité chrétienne au quotidien, c’est bien plus une affaire de goûter la vie d’une manière plus savoureusequ’avant que de s’enfermer dans le carcan de dogmes rigides):

« D’origine catholique, ayant reçu une éducation religieuse « classique » j’ai toujours été en contact avec une certaine foi en Dieu, dans ma famille, à l’école. Mais à l’adolescence, une recherche plus cartésienne m’a fait rejeter la foi que je considérais comme « naïve ». Cependant, trop de questions existentielles restaient sans réponse.

Vers 20 ans j’ai rencontré une chrétienne. C’est devenu une amie. Elle m’a témoigné d’une foi vécue authentiquement, de manière simple mais vraie et m’a enseigné certaines bases. A son contact, j’ai commencé à voir Dieu et la foi autrement, plus réelle et plus vraie. Un jour, lors d’un week-end de jeunes chrétiens, ouvert à tous, il y a eu un temps fort : après le culte, je me suis senti très remué. Grâce à un temps de prière de mon amie à mes cotés, dans un esprit d’abandon intérieur j’ai demandé à Dieu de me donner de la joie de vivre.

Et quelque-chose s’est passé : comme un souffle m’a traversé de haut en bas. La sensation que de la boue était tombée de tout mon corps à mes pieds. Et une paix immense, que je n’avais jamais ressentie auparavant, m’a envahi. Une paix si douce, si parfaite, que j’ai su et reconnu que Dieu était là et m’avait délivré de mon angoisse, de ma tristesse et de ma noirceur intérieure.

Plus tard, j’ai commencé à lire la Bible tous les jours, je priais le soir. Mais en fait, je n’avais pas encore compris grand chose et je n’étais pas prêt à suivre l’exemple de Jésus. Je me suis remis à errer dans la vie, me sentant condamné à une vie médiocre malgré mes efforts pour m’en sortir. Peur du lendemain, lutte, difficultés, échecs. 5 ans se sont écoulés. Pourtant, durant tout ce temps, même seul avec ma rébellion et ma vie creuse, je sentais toujours qu’une petite flamme était allumée au fond de moi, comme une bougie qui éclaire la nuit même dans les pires tempêtes. Une flamme que je savais être une présence de Dieu (sans trop comprendre comment). Une lueur qui ne me quittait plus et qui me redonnait de l’espérance. Oui déjà, quelque-chose avait changé et je le savais. Mais mes soucis d’argent et ma crainte de l’échec matériel me tenaillaient et me bloquaient, comme un dernier obstacle pour dire « oui » à Dieu.
 
5 ans après ce souffle divin qui m’avait envahi, il y a eu une nouvelle rencontre : celle d’un jeune couple de missionnaires de passage en France et qui m’ont invité à venir les voir pendant l’été. Le témoignage du missionnaire m’a parlé précisément sur ce qui me préoccupait le plus : les soucis d’argent et la vie difficile. Il avait vécu l’intervention de Dieu si précisément qu’il m’a convaincu que même dans ce domaine si terre à terre, Dieu n’était pas sourd et muet et surtout qu’Il pouvait intervenir et m’aider à régler ce qu’il convenait de régler pour assainir la situation. Ce témoignage fut capital pour débloquer mon esprit et mes doutes.

Dès la rentrée de septembre, j’ai commencé à aller à l’église. L’accueil remarquable de certains et ma rapide intégration dans un groupe de quartier ont très vite été une source merveilleuse de connaissance et de progrès. J’ai compris les fondements de la foi chrétienne. Et j’ai vécu les pleurs de repentance, la joie de me savoir pardonné, sauvé. Une grande soif de savoir et d’étudier la Bible a trouvé des réponses dans cette église. Grâce aux enseignements, grâce à Dieu surtout, ma vie intérieure a changé. Dieu m’a donné la foi, comme une vie à cultiver avec Lui. Par Sa parole et toutes les réalités de la vie, Dieu se révèle, fidèle, patient, respectueux et juste. Il me donne de comprendre peu à peu la profondeur de Son amour pour moi et Il m’offre de goûter à la réalité heureuse de fonder, jour après jour, ma foi en Lui » (témoignage de Michel, sur le site atoi2voir.com).

Ce que je retiens personnellement de ce témoignage, c’est que la foi ne nait pas d’une simple adhésion intellectuelle à l’enseignement de l’Eglise, ou d’une croyance abstraite et désincarnée en Dieu, mais d’une rencontre. Chacun d’entre nous catholique pratiquant, par un évènement de notre vie, le témoignage d’un proche, une parole entendue, un rassemblement qui nous a touché, que sais-je encore, nous avons eu l’impression de toucher du doigt l’Amour de Dieu, de le rencontrer personnellement. C’est-à-dire que nous avons ressenti un bonheur, une profondeur d’être, plus intense et d’une certaine manière réelle que ce que nous avions connu jusque là, et cela a été suffisant pour nous convertir, vouloir changer notrevie pour la tourner autant que possible vers cette joie nouvelle qui nous est apparue. Bien sûr, nous avons tendance à oublier cette joie, et notre discernement n’est pas toujours à la hauteur de nos nobles intentions: c’est l’expérience du péché, c’est-à-dire de la contradiction en tre nos limites et notre désir de nous conformer à la perfection divine. La prière et la fraquentation des sacrements sont là, non pour rajouter des règles ennuyeuses à notre vie, mais pour ne pas oublier, pour revenir à cette joie originelle fondatrice de notre foi.

Deux autres témoignages peuvent vous permettre de comprendre comment « fonctionne » de l’intérieur un catholique:

Le récit par Pneumatis, qui a beaucoup fait pour apaiser la polémique autour du Hellfest, de sa conversion: http://pneumatis.over-blog.com/article-ma-conversion-1-59924088.html

Cette très belle prière de la blogueuse catholique Zabou: http://www.zabou-the-terrible.fr/post/2011/04/22/Jeudi-Saint-2011

Moi-même, si j’ai eu une éducation catholique, j’ai tout lâché après le lycée, j’ai été sympathisant d’organisations d’extrême-gauche, j’ai été très près à un moment de devenir sataniste, et mes jeux de ^role favoris quand j’étais étudiant (pour ceux qui connaissent) étaient INS/MV et Kult. C’est dire! et si je suis revenu au christianisme à 27 ans, ce n’est pas du fait de la pression sociale (mes soeurs et beaucoup de mes amis sont athées, et mes parents ne pratiquent pas), mais tout simplement parce que j’ai rencontré, dans des livres ou dans ma vie quotidienne, des témoignages de personnes qui ont été rendues heureuses par leur rencontre avec Jésus Christ, et que j’ai eu envie de connaitre à mon tour ce bonheur apporté par la foi.

Beaucoup d’entre vous se demandent comment faire le lien entre ces belles expériences et les abus des antiHellfest.

Pour moi la réponse est simple: les antiHellfest sont des gens qui ont trouvé le bonheur grâce à leur foi en le Christ Sauveur, et qui voient cette foi remise en cause par les paroles de certains groupes. Alors ils ont peur, de la défiance de plus en plus grande de beaucoup envers le christianisme, mais surtout que leur bonheur soit remis en question, qu’ils en soient privés. Et ils attaquent ce qui semblent être une souce de danger pour leur bonheur, le Hellfest.

De même que certains métalleux trouvent leur plus grande joie dans leur musique, et vivent les attaques récurrente des organisations chrétiennes contre le métal tout au long de son histoire comme une agression et une remise en cause de cette joie. Et à leur tour ils cherchent à se libérer du sentiment d’^tre agressés, de la peur d’être une victime, en attaquant le christianisme dans les paroles de leurs chansons et la mise en scène de leurs concerts.

Les antiHellfest attaquent le festival parce qu’ils y voient le symptôme d’une « christianophobie » grandissante, du danger pour les catholiques de ne plus pouvoir exercer un jour leur foi librement, de ne plus être libre d’exprimer leur joie, qui se trouve dans l’annonce de l’Evangile et la vie selon ses enseignements.

Et les métalleux, face à des succès relatifs mais réels de ces antiHellfest, comme le retrait de Coca-Cola du sponsoring du festival en 2009 suite à la campgne d’E-Deo, ou de l’annulation d’Anal Cunt en 2011 suite aux démarches du blog Les Yeux Ouverts, ont en retour peur pour l’avenir de leur festival, le plus grand en France concernant le métal. Et c’est pourquoi ils font parfois le choix de refuser le dialogue, que ce soient les modérateurs de certains forums qui verrouillent systématiquement les sujets liés à cette polémique, ou encore les organisateurs qui ont choisi la semaine dernière d’exercer des pressions sur les hébergeurs des sites antiHellfest.

Cessons d’opposer notre bonheur à celui de l’autre. Plutôt que de dévaloriser la démarche de notre adversaire, cherchons plutôt à lui montrer, comme certains ont déjà essayé de le faire des deux côtés, tout ce que notre engagement, dans le métal ou l’Eglise (ou les deux comme c’est mon cas), a apporté de Beau à notre vie, et tenons nous prêts également à nous laisser étonner par notre adversaire, disposons notre coeur de manière à lui communiquer notre joie plutôt que notre peur (y compris dans les paroles de nos chansons: on peut faire de la bonne musique sans blesser personne, même à mon avis dans le BM), et à nous laisser toucher par sa propre joie plutôt que par sa propre peur. Il ne s’agit pas de forcer l’autre à changer d’avis, mais de témoigner, dans la confiance et non dans le repli ou dans la haine, de ce qui nous rend heureux dans nos choix, tout en accueillant le témoignage de l’autre, sans dénigrer ce que son parcours a de différent.