Archive pour dialogue

Haine partout, justice nulle part?

Posted in Hellfest with tags , , , on 9 décembre 2011 by Darth Manu

Bon, sans doûte pas nulle part, heureusement, mais je n’ai pas pu me retenir, vu la propension apparente de certains à voir la haine toujours chez l’autre, jamais chez eux-mêmes…

Doooonc… Mardi dernier, après un premier feu nourri la semaine précédente contre la programmation 2012 du Hellfest, le blog du Collectif Provocs Hellfest a été supprimé purement et simplement par son hébergeur. Il est réapparu aujourd’hui en ligne.

Le Collectif donne l’explication suivante à cette suppression intempestive et momentanée:

« On a voulu nous faire disparaitre…
En début de semaine, notre blog a été supprimé par notre hébergeur, au motif qu' »il ne respecte pas les conditions d’utilisation suivantes : HATE » !!
Ayant aussitôt réagi, le blog vient d’être rétabli: « l’équipe légale a vérifié votre blog et l’a remis en ligne. »
Blogger le reconnaît: pas de haine sur nos pages ! Il faut aller la chercher ailleurs !
Voilà donc la réponse que nous pouvons apporter à tous ceux que notre blog dérange, et qu’ils auraient bien vu disparaître… » 

Mes lecteurs réguliers savent que je n’ai pas beaucoup de sympathie pour le combat du Collectif, et que j’ai consacré de nombreux billets à réfuter ses arguments et ses thèses.

Ce que je leur reproche principalement, c’est d’annoncer la fin du dialogue et de faire oeuvre de lobbying pour pousser les autorités publics et les organisateurs du festival à censurer le contenu de celui-ci, en n’invitant plus de groupes hostiles au christianisme, ou qui utilisent des thématiques liées à l’occultisme ou au satanisme dans leurs textes et dans la mise en scène de leurs concerts. Non pas que j’apprécie les paroles des groupes de black ou de death ou autres ouvertement hostiles au christianisme, loin s’en faut, mais parce que je pense que le respect se gagne par le témoignage, le respect de la parole d’autrui, aussi déplaisante et erronée soit-elle, et par la contradiction sereine, et jamais par la contrainte.

Je m’en suis expliqué dans de nombreux billets, où je montrais notamment les limites de l’approche judiciaire (inciter à la haine, ce n’est pas simplement critiquer, même de façon injuste, mais pousser à des actions violentes ou discriminatoires contre une catégorie de personne) et de la confrontation directe, qui nourrit les communautarismes et enferment les deux camps dans les certitudes plutôt que de les apprenre à se connaitre et à se respecter:

« A lutter contre la christianophobie, les catholiques finissent par n’avoir que des choses à combattre dans notre société et aucune à proposer. S’enfermer dans une posture d’auto défense permanente, sans rien donner qui puisse avoir du sens et de l’intérêt pour les membres de notre société déchristianisée, c’est nous condamner à court terme à ne plus du tout être entendus, voire à être combattus à vue, et à ne plus pouvoir transmettre l’évangile, ce qui est pourtant beaucoup plus au coeur de notre mission que la lutte contre la “christianophobie”.

A force de traiter la culture contemporaine comme une maladie plutôt que comme un terrain d’échange, de dialogue et de construction, nous nous marginalisons et augmentons le ressentiment à notre égard. » (« Christianophobie », christianofolie?).

« C’est pourquoi entre la voie préventive face à l’injure publique (censure préalable: par exemple faire pression sur les collectivités pour interdire la représentation, ou chercher à l’entraver en gênant son financement) et la voie répressive (le procès pour undélit constitué: injure, diffamation, discrimination…) je choisis résolument la seconde. Je reconnais qu’elle est très difficile à appliquer, comme ce billet de Nicolas Mathey tend à le démontrer, et je dis “tant pis!”: la liberté d’expression a plus de prix pour moi que l’interdiction d’une ou deux pièces obscures jouant la provo facile. » (Faut-il dissuader l’Etat et les collectivités territoriales de subventionner les oeuvres antichrétiennes?).

« Pour prouver qu’un groupe incite à la haine contre les chrétiens, il ne suffit donc pas de citer des textes à consonnance satanistes ou des propos qui condamnent le christianisme dans son ensemble, ou de dénoncer des métaphores morbides et blasphématoires. Il faut démontrer que les artistes incitent activement leurs auditeurs à passer à l’acte. En l’absence de cet élément, toute pression sur les autorités ou les organisateurs du festival pour censurer des groupes hostiles au christianisme est en elle-même une atteinte scandaleuse à la liberté d’expression, quand même garantie par notre Constitution et dont nous chrétiens nous réclamons nous-mêmes pour notre propre protection.  » (Hellfest: respecter autrui dans mon expression… comme dans la sienne).

Il est donc clair que je comprends et partage l’irritation de beaucoup de métalleux face aux attaques incessantes du Collectif contre le festival qui chaque année leur donne certaines des meilleurs journées, et certains des meilleurs souvenirs, de leur vie (leur « pélerinage », m’ont dit certains, et ayant participé à nombre de pélerinages catholiques ainsi qu’au Hellfest, s’il est vrai que ces manifestations portent sur des réalités d’ordre très différents, je trouve que l’analogie a du sens, dans une certaine ambiance, une certaine expérience de la communauté…).

Je me demande pourtant par quel processus de pensée rancunier et délirant certains ont pu penser que demander à l’hébergeur du Collectif de le censurer purement et simplement constituait une réponse adaptée à ses « provocs ».

Je suis catholique, et je n’aime pas les paroles satanistes ou blasphématoires de certains groupes. Pourtant, je peux comprendre que pour certains, elles puissent constituer un défouloir par rapport à ce qui leur parait constituer des points « noirs » de l’Eglise: les affaires de pédophilie, l’Inquisition, certains aspects de son enseignement moral, etc. Je ne suis pas d’accord avec eux sur la plupart de ces aspects « controversés » de l’Eglise, mais je respecte leur sincérité et leur souffrance.

De même, en tant que métalleux, je n’aime pas les amalgames, les erreurs et les caricatures portées dans les dénonciations des catholiques anti Hellfest.  Pourtant, je peux comprendre qu’un catholique qui a une foi et une vie spirituelle quotidiennes et fécondes, et qui ne connait le metal que par le ouï-dire et les postures et les textes de certains groupes, puisse être choqué, voire effrayé par l’image qui lui est renvoyée du Hellfest. Je les désapprouve, je pense qu’ils ont tort, mais je respecte tout autant leur souffrance et leur sincérité (de beaucoup d’entre eux en tout cas).

Les anti hellfest ne comprennent pas grand chose à la réalité du festival, mais ils existent, leur engagement est parti pour durer, et contrairement à ce que certains croient, ils ne sont pas qu’une poignée. En octobre dernier, pour protester contre deux pièces de théâtre obscures, Civitas, qui incarne une tendance infiniment plus dure que le Collectif,  a réussi à rassembler à Paris plusieurs milliers de personnes. Les jeunes catholiques qui ont fait de la garde à vue pour avoir jeté des oeufs ou de l’huile de vidange sur des spectateurs ou autres actions d’éclat dépassent la centaine.Je le déplore, mais ils constituent désormais une force de nuisance conséquente, et on est bien forcés de faire avec.

Les ignorer reviendrait à laisser tout le champ de la parole publique à ceux qui jouent sur leur peurs et leurs préjugés, ou qui attaquent la « christianophobie » en toute ignorance.

Les faire taire  par la contrainte, c’est les conforter dans dans leur sentiment de victimisation et de persécution, dans la thèse fausse suivant laquelle l’opinion et les pouvoirs publics persécuterait les chrétiens, comme dans certains pays arabes, comme dans la Rome antique.

Et puis il est ridicule de soutenir simultanément que le Collectif, qui, c’est d’ailleurs triste à dire, est beaucoup plus modéré dans ses positions que la plupart d’entre eux, incite à la haine d’une manière qui doit conduire leur hébergeur ou les pouvoirs publics à les faire taire, et que les textes de Marduk, de Belphégor, ou autres groupes qui ont été invités au Hellfest ou qui le seront un jour doivent être défendues au nom de la liberté d’expression. Soit on tient ce principe de la liberté d’expression pour tous, dans les limites définies par la loi, soit on ne le tient pour personne. Outre que les textes du Collectif, malgré les erreurs consternantes qu’ils diffusent, ne sont, ni moralement, ni juridiquement, des appels à la haine, vouloir les censurer, c’est leur donner raison, en admettant que la contrainte institutionnelle est la réponse la plus juste et la plus efficace aux conflits entre communauté. C’est transformer la polémique en pur rapport de force, en lutte frontale et ouverte, ce qui ne s’achève jamais vraiment et peut se renverser. Vouloir anéantir la parole de l’autre, c’est une illusion qui alimente le ressentiment. C’est donner raison aux extrêmistes du type Civitas, qui n’hésitent pas à prendre des libertés avec la démocratie et avec la loi, là ou le Collectif joue encore le jeu de l’opposition démocratique.

Plutôt que de renverser les « phobies », d’intenter au Collectif un procès en « metallophobie » comme il nous intente un procès  en « christianophobie », en attribuant ses arguments à la « haine », plutôt qu’au malentendu, à l’incompréhension, ou au manque de discernement, faisons lui justice de ce qui est réellement sa démarche, ne la discréditons pas par des qualificatifs tous faits, qui l’enferment dans une irrationalité supposée mais pas démontrée. Ne lui donnons pas la justice qu’il nous administre, mais celle que nous attendons de lui. Sinon comment le faire douter de sa démarche et lui montrer l’erreur de son engagement?

Face à certaines manifestations culturelles anti chrétiennes, le blogeur Koz a aujourd’hui appelé les cathos à trouver « la note juste »:

« En tant que catholiques ordinaires, il faut que nous trouvions la note juste. C’est très difficile car on risque de tomber dans deux pièges : le piège de la provocation gratuite de certains artistes qui savent que ça marchera toujours de cogner sur le Christ, ça fait venir des visiteurs. Le deuxième piège, c’est le piège de Civitas dont un des objectifs est de se poser en défenseur du Christ et de gagner une légitimité de ce côté-là et de mettre en porte-à-faux le reste de l’Église en disant qu’ils n’ont pas le courage de réagir. Cela déstabilise beaucoup de chrétiens.  » (Entretien avec Atlantico).

Il me semble que cela peut valoir aussi pour les partisans du Hellfest. Il faut pour nous aussi trouver la note juste: non pas se taire, au risque que la seule parole publique sur cette polémique soit une parole de condamnation. Non pas chercher à faire taire, au prix d’ajouter de l’eau au moulin de ceux qui crient à la persécution des cathos. Mais  contredire fermement, mais dans l’écoute, le dialogue et la sérénité. Quand je vois les commentaires sur mon blog, sur celui des Yeux Ouverts, ou ailleurs, je suis heureux de constater que c’est la voie choisie par de plus en plus de métalleux. Et je suis convaincu que sur le long terme, elle porte des fruits: les arguments se nuancent peu à peu de part et d’autre et le ton se fait plus cordial (je remarque d’ailleurs que Les Yeux Ouverts est passé d’un système de modération a priori de ses commentaires à un système a posteriori, ce qui suggère qu’il a davantage confiance que par le passé en ses interlocuteurs métalleux). Continuons sur cette bonne voie, au lieu de donner de bons arguments à ceux qui nous critiquent et qui en avaient jusqu’ici le plus souvent de mauvais…

Hellfest 2012: des groupes chrétiens à l’affiche!

Posted in Hellfest with tags , , , , , on 25 novembre 2011 by Darth Manu

Je viens de jeter un très rapide coup d’oeil sur les dernières annonces de groupes pour l’édition 2012 du Hellfest:

« LYNYRD SKYNYRD – MACHINE HEAD – ACID KING – ALL PIGS MUST DIE – ALPHA TIGER – AMON AMARTH – AUGUST BURNS RED – BETRAYING THE MARTYRS – BLOOD RED THRONE – BRAIN POLICE – BRUJERIA – BRUTAL TRUTH – CANNIBAL CORPSE – CHANNEL ZERO – DARKEST HOUR – DEATH ANGEL – DEVIL DRIVER – DJERV – DOG EAT DOG – DO OR DIE – DYING FETUS – EMMURE – ENDSTILLE – ENSLAVED – L’ESPRIT DU CLAN – EXODUS – EXTINCTION OF A MANKIND – GAMABOMB – GIRLSCHOOL – GLORIOR BELLI – H2O – INTEGRITY – LIZZY BORDEN – MADBALL – MERRIMACK – MOLLY HATCHET – NASUM – ORIGIN – PENTAGRAM – SACRED REICH – SAINT VITUS – SUICIDAL ANGELS – TAAKE – VOMITORY – WALLS OF JERICHO – WHITECHAPEL – YEAR OF NO LIGHT – YOB

Et parmi ceux qui étaient déjà confirmés :

BLACK SABBATH – LAMB OF GOD – BLUE OYSTER CULT – CHILDREN OF BODOM – TRIVIUM – HATEBREED – DIMMU BORGIR mais aussi ABORTED – ALCEST – ALL FOR NOTHING – AMENRA – ANAAL NATHRAKH – AOSOTH – ARCTURUS – ASG – AVULSED – BENEDICTION – COLOUR HAZE – CRASHDIET – DARKSPACE – DEATH BEFORE DISHONOR – THE DEVIL’S BLOOD – DISEMBOWELMENT – DYSE – FROM ASHES RISES – HAEMORRHAGE – HOUR OF PENANCE – IN EXTREMO – MONKEY 3 – NAPALM DEATH – NECROS CHRISTOS – ORANGE GOBLIN – ORANSSI PAZUZU – ROMPEPROP – SOLSTAFIR – SPUDMONSTERS – STRIFE – THOU – UFOMAMMUT – UNEXPECT – VANDERBUYST – VICTIMS – VULTURE INDUSTRIES – WINTERFYLLETH » (Radio Metal, « Hellfest Open Air 2012, après la cerise, le gâteau! »).

J’ai juste survolé rapidement cette liste dans le dernier quart d’heure et je suis loin de connaitre tous les groupes. Parmi des noms plus « classiques », sur lesquels nos amis du Collectif Provoc Hellfest ne manqueront bien sûr pas de gloser très prochainement, deux annonces me sautent aux yeux: Betraying the Martyrs, et August Burns Red.

Quels sont ces groupes?

August Burns Red: 

« Bien qu’August Burns Red soit souvent défini comme du Metalcorechrétien, JB a dit dans une interview au magazine Shout! que « La chrétienté est une religion et non pas un style de musique » et il voudrait plutôt « laisser la musique parler par elle-même plutôt que de la définir ».

Sans pour autant cacher leur foi en Dieu, JB déclare dans une autre interview donnée à Beehave : On essaye simplement d’être un bon exemple auprès des groupes non-chrétiens qui sont avec nous en tournée. Ce n’est pas comme si on essayait de les convertir, mais les actions parlent plus que les mots. » (Wikipedia, August Burns Red).

Betraying The Martyrs:

« Betraying The Martyrs, un groupe de Métal Chrétien possédant un style personnel et moderne qui saura, à coup sûr, trouver son public.

Leur musique a pour but de transmettre des messages positifs aux jeunes, de répandre la parole des textes sacrés qui ont aidé tant de personnes dans le besoin, ou bien seulement des textes pour aider à se trouver soi même et en quoi croire. » (Garance Productions, concerts).

Bon, c’est du metalcore dans les deux cas, ce qui n’est pas vraiment ma tasse de thé musicale, je dois bien l’avouer (contrairement à beaucoup d’autres groupes annoncés :))…

Cela dit, le plus important est ailleurs: le Hellfest, festival soit disant « christianophobe » et « provoc » invite deux groupes chrétiens connus. Et pas comme simples prétextes: le choix des groupes colle à l’actu. Ainsi, Betraying The Martyrs vient de sortir un album, salué par certains chroniqueurs pourtant pas nécessairement bien prédisposés à l’égard du christiancore.

Le Hellfest avait d’ailleurs déjà invité des groupes de christiancore en 2009, juste avant que la polémique n’éclate de manière vraiment sérieuse et à l’échelle nationale.

Tout cela démontre à mon avis que le Hellfest n’est pas un festival dont la finalité est de blesser les chrétiens (à la différence semble-t-il d’une pièce comme Golgota Picnic ou d’un livre comme le Code Da Vinci), mais qui invite les groupes dynamiques du moment. S’il s’agit de Marduk ou Mayhem, cela donne une tonalité satanique ou antichrétienne au programme. S’il ségit de BTM ou d’August Burns Red, la programmation devient davantage christianophile. Mais le critère de sélection est de nature musicale et non idéologique. Et la clé, pour inciter le Hellfest à proposer une programmation moins blessante pour les chrétiens, ne se trouve pas dans les polémiques ou le lobbying,mais dans le soutien aux groupes qui essaient de dynamiser la scène du metal chrétien, en les faisant mieux connaitre, en réfléchissant aux conditions de possibilités d’un métal chrétien, sur le plan musical, des paroles,…

Alors je sais bien que certains membres du groupe Betraying The Martyrs se sont laissés aller il y a quelques années dans des interviews à des propos malheureux sur l’enseignement moral de l’Eglise, ainsi que le site tradi Perepiscopus l’a révélé en son temps:

« Le groupe de « metal chrétien » Betraying the Martyrs n’est pas chrétien

nous signale Perepiscopus.

Pour Valentin, le bassiste du groupe, le message principal de l’Eglise, c’est : la tolérance, la solidarité, l’entraide. Peace and love, quoi… Mais ça n’est pas tout ! Selon lui :

« L’avortement, le préservatif, l’homosexualité le sexe avant le mariage sont je pense des sujets que l’Eglise devrait traiter de manière plus souple, plus actuelle. Ne serait ce qu’appeler à la tolérance sur ses sujets. On peut croire en Dieu, croire dans le Bien et aimer quelqu’un du même sexe. »

La culture de mort dans toute son horreur… Mais qu’est-ce que ce groupe vient faire au festival (chrétien, organisé par le diocèse de Chartres) de Pâques ? » (E-Deo).

 Il est clair qu’en tant que catholique je ne suis pas particulièrement enthousiasmé par les propos quelques peu caricaturaux rapportés dans cet article, et que le discernement des membres de BTM (tel qu’il se présentait lors de cette interview tout du moins) sur l’enseignement de l’Eglise semble perfectible (comme celui de nous tous, cela dit, et E-Deo et Perepiscopus ont de quoi à mon avis balayer devant leur propre porte, de même que moi il est vrai). Cela dit, il semble évident qu’un festival « christianophobe » se moque de telles distinctions et n’inviterait pas de manière finalement assez régulière des groupes chrétiens.

Je reviendrai dans un billet ultérieur sur la question de la finalité du Hellfest, qui n’est pas à mon avis antichrétienne mais musicale. Cela dit cette dernière annonce confirme ce que j’avais signalé récemment après lecture de l’interview par Metallian d’un autre groupe de métal chrétien. Les métalleux sont de moins en moins hostiles au christianisme. Les mentalités évoluent, et des zones de gris de plus en plus nombreuses apparaissent.

Je sais bien qu’il est difficile de renoncer à un combat de plusieurs années, mais les faits sont là: des mains sont tendues, et il est de notre responsabilité morale et chrétienne d’y répondre positivement et en confiance, en ces temps d’accentuation du communautarisme de tous côtés…

EDIT: La programmation 2012 accueille aussi Whitechapel. Ce groupe et August Burns Red étaient déjà invités en 2009: « A noter aussi que la programmation accueillait cette année des groupes de « christian core » comme August Burn Red ou Whitechapel » (communiqué du Hellfest de juin 2009, sute au retrait de Coca Cola comme sponsor du festival). Ca nous fait donc à première vue pour le prochain Hellfest trois groupes chrétiens invités, dont deux qui l’ont déjà été par le passé. Pas très « christianophobe » tout ça!

Faut-il dissuader l’Etat et les collectivités territoriales de subventionner des oeuvres antichrétiennes?

Posted in Christianisme et culture with tags , , , , , , on 13 novembre 2011 by Darth Manu

Les récents débordements autour de la pièce de Castelluci ont fait prendre conscience aux catholiques « modérés » de l’urgence d’établir un dialogue entre l’Eglise et une culture qui lui est plus de plus en plus étrangère, voire hostile. Les évêques ont récemment mené à Lourdes une réflexion intéressante sur le sujet:

« Intervenant à huis clos devant l’Assemblée, le cardinal Vingt-Trois a cependant mis en garde contre le recours à une « stratégie de minorité ». Une évolution du catholicisme sur le modèle des religions minoritaires, qui ne réagirait que pour se défendre, serait contraire à la tradition d’un christianisme qui revendique un rôle plus large dans le débat social et politique, a-t-il dit en substance. » 

Mais aussi:

« Car tous les évêques font le même constat : le cercle des catholiques exaspérés dépasse celui des groupuscules intégristes et activistes. Pour Mgr Éric de Moulins de Beaufort, ce sont même souvent des « catholiques assez simples, désemparés, car on se moque de ce à quoi ils croient fermement ». Une nouveauté qui inquiète l’archevêque de Bordeaux, le cardinal Jean-Pierre Ricard : « Il a toujours existé un courant d’extrême droite catholique et politique, à l’action violente. Mais aujourd’hui, leurs actions sont légitimées et justifiées par des catholiques désarçonnés par la sécularisation, et qui ont le sentiment d’être bafoués. » » 

Deux écueils sont donc à éviter: rester passif face à l’outrage, au risque de négliger les réelles blessures d’une jeunesse catholique qui donne énormément pour son Eglise et pour sa foi, et celui du repli communautariste et de la rupture du dialogue avec la société, voire la tentation de la violence. Entre le silence complaisant et les jets d’oeufs et d’huile de vidange, intervenir sur le terrain des subventions publiques peut sembler un moyen terme séduisant:  on n’agresse personne, on prend position clairement, avec des propositions concrètes, et on fonde notre proposition sur le droit: le respect de la laicité (pas de financement public d’une pièce qui traite de question religieuse), la lutte contre la discrimination (c’est porteur comme sujet)…Ca a même un petit côté citoyen sympathique: un bon moyen de réduire utilement la dépense publique, en ces temps de crise financière et économique: bloquer les subventions de pièces blasphèmatoires, c’est quand plus enthousiasmant que de supprimer des postes d’infirmières ou d’enseignants ou de supprimer les allocations pour les plus démunis!

Nous avons donc une proposition de Pneumatis: une lettre envoyée  au ministre de la culture et à son secrétariat général, ainsi qu’à la mairie de Paris, dont l’argument central est le suivant:

« A travers cet amalgame entre la culture chrétienne et la terreur, la pièce dénigre non seulement les racines culturelles de notre pays, mais viole également le fondement cultuel des chrétiens. Dans un pays qui attache autant d’importance à la liberté d’expression, la critique des religions est un droit qu’il ne convient aucunement de remettre en cause. Cependant, cette critique ne devrait évidemment faire l’objet d’aucun financement ni d’aucune promotion publique, eut égard au principe de laïcité. Car de même que la république ne subventionne aucun culte, il va de soi qu’elle n’a pas non plus à en financer le dénigrement ni l’insulte. »

Cette initiative peut au demeurant se prévaloir de la bienveillance a priori du porte-parole de la CEF: Mgr Podvin. Personnellement, tout en reconnaissant l’importance et l’urgence d’établir des contre-propositions aux oeuvres d’art ouvertement hostiles au christianisme (le présent blog en est une d’ailleurs, pour rappel), je m’inscris en faux contre cette initiative en particulier, malgré toute la sympathie que j’éprouve envers son auteur, ses inspirateurs et promoteurs, qui est à rebours de l’agacement, du scepticisme, et de la tristesse que m’inspire la pièce Glogota Picnic en elle même, d’après ce que j’ai pu en lire.

Contrairement à ce qui était mon intention première, que j’avais annoncée à cerains sur facebook et twitter, je ne vais pas traiter dans ce billet de la question du financement public de la culture. J’ai conscience de tous les effets pervers de la politique culturelle française, de son impact sur les finances publiques qui sont déjà bien assez en difficulté comme ça, de la répartition souvent inégale des subventions, du caractère plus que contestable des bénéfices qu’elles apportent en terme de dynamisme de la création française. Je’ai cru comprendre également que la tendance est de promouvoir un mécénat privé par les entreprises. Je reste attaché à une certaine conception de l’Etat Providence qui me fait souhaiter une aide publique, non seulement à la diffusion de la culture mais également à son financement. Mais traiter à fond cette question me ferait dévier du sujet de ce billet et prendrais des mois de recherche et de réflexion. Une autre fois peut-être…

Cette question est en effet complexe et je comprend tout à fait que l’on puisse considérer que l’Etat n’a pas du tout à financer la culture. Maintenant, lutter contre les subventions versées au Glogota Picnic sur le fondement que  » de même que la république ne subventionne aucun culte, il va de soi qu’elle n’a pas non plus à en financer le dénigrement ni l’insulte », cela me parait une question complètement différente, qui porte sur le contenu des oeuvres ou non finançables et non sur le principe même de ce financement, et beaucoup moins tenable à mon avis. L’argument, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à son auteur sur twitter, me parait assez fallacieux. Si la loi de 1905 interdit effectivement le subventionnement des cultes (et encore la question est plus complexe qu’elle en a l’air), des oeuvres ouvertement chrétiennes à caractère culturel bénéficient également en toute légalité d’aides financières publiques.

« Le 26 février, alors qu’il venait de recevoir le césar du meilleur film, Xavier Beauvois remercia Lambert Wilson et… l’avance sur recettes du Centre national du cinéma (CNC). Il pouvait. Sans elle, Des hommes et des dieux (Grand Prix à Cannes, plus de trois millions d’entrées en salles) n’aurait peut-être jamais vu le jour… L’avance sur recettes avant réalisation, quèsaco ? Une aide financière publique qui a, aussi, permis l’existence des trois autres films français présents à Cannes en 2010 : Hors-la-loi, de Rachid Bouchareb, La Princesse de Montpensier, de Bertrand Tavernier, et Tournée, de Mathieu Amalric. Mais aussi de Vénus noire, d’Abdellatif Kechiche, ou de quelques premiers films originaux : Angèle et Tony, d’Alix Delaporte, Belle Epine, de Rebecca Zlotowski, ou Jimmy Rivière, de Teddy Lussi-Modeste. » (www.telerama.fr).

Entre pas de Golgota Picnic ni de Les Hommes et et les Dieux ou les deux à la fois, j’ai personnellement la faiblesse de préférer la seconde option. Mais ce passage du texte de Pneumatis contient un second argument, que d’autres m’ont également opposé.

« Ca ne me choque pas qu’on subventionne une pièce qui défende des idées ou une foi. Par contre, ça me dérange que l’on subventionne une pièce qui s’attaque à des idées, une foi. Je crois que ce sont 2 choses très différentes. Une pièce religieuse ou athée, ce n’est pas la même chose qu’une pièce qui s’attaque à une religion » (Guillaume Duvillaret à Pneumatis et à moi-même sur Twitter).

J’avoue que j’ai un peu de mal avec cette distinction entre les pièces « qui défendent des idées ou une foi » et celles qui « s’attaquent à une idée, une foi ». Vous en connaissez beaucoup vous, des idées ou des croyances qui ne sont pas exclusives (y compris gravement) d’autres idées ou d’autres croyances? Avec les « principes non négociables », se dire catholique aujourd’hui, c’est attaquer implicitement tout un tas d’idées, de courants de pensées et de choix personnels, souvent reliés à des expériences et des blessures personnelles très douloureuses (ce qui n’est d’ailleurs probablement pas sans lien avec l’émergence d’oeuvres du type Golgota Picnic: « Disons que cette écriture a commencé sans écrire, elle a commencé comme toute écriture, à partir d’expériences vécues, que j’ai récupérées par la suite. C’est par exemple le cas de la peur que Dieu m’inspirait quand j’étais enfant. Ensuite, il faut donner forme à tout cela, et j’ai pensé qu’il serait plus élégant de parler d’iconographie (Mantegna, Grünewald, Giotto, Van der Weyden… ). Lorsque je cite ces fresques ou ces tableaux peints sur des toiles ou sur du bois, je fais des détours pour ne pas raconter ma peur de Dieu quand j’étais enfant, mon au revoir à Dieu et à la peur de Dieu quand j’ai cessé de croire, à l’âge de seize ans (grâce à un livre de Schopenhauer). » Entretien avec Rodrigo Garcia, dans le dossier de presse de Golgota Picnic ). Si le ressenti d’autrui face à une affirmation ou une idée est le critère de ce qui peut être ou non dit publiquement, alors tous ceux qui estiment que la religion doit être reléguée à la sphère privée ont raison (notez qu’en tant que catholique je suis fidèle à l’enseignement de l’Eglise et que j’approuve les « points non négociables »: je pointe juste le caractère très insuffisant des arguments sur le registre du pathos du type: « les chrétiens demandent à ce que l’on respectent la souffrance qu’ils éprouvent lorsque l’on s’en prend à ce qui leur est cher »).

On m’objectera qu’on peut critiquer sans insulter. Peut-on subventionner avec des deniers publics une insulte? Je répondrai que l’insulte me parait très difficile à caractériser dans le domaine de l’art: celui-ci n’a en effet pas pour vocation une plate représentation d’un « Beau » abstrait et idéalisé, mais faire contempler à l’âme des réalités difficilement communicables par le raisonnement. Ce qui l’amène à user de techniques telles la parodie, la satire et, oui…  se livrer aussi à des relectures de la Bible qui peuvent prendre extérieurement l’apparence d’un blasphème. Lisez certains poèmes de William Blake, pourtant un auteur chrétien… La question n’est pas de savoir si l’art outrage ou insulte, mais s’il le fait de manière gratuite ou qui donne à penser.

Donc, non seulement la « morale » de l’art, les valeurs qui lui sont propres, ne sont pas tout à fait les mêmes que celle de la morale, mais le jugement qui porte sur l’oeuvre d’art n’est pas dans sa nature du même type que celui qui évalue si un acte est ou non moral. Le jugement moral est en effet déterminant: « c’est bien » ou « c’est mal ». On en dispute: c’est-à-dire qu’on peut le trancher sur la base des normes qui s’imposent aux deux interlocuteurs (avec des nuances certes). La morale n’est pas censée être subjective.

Pour le jugement esthétique, c’est très différent (et oui, je suis ultra kantien sur cette question). S’il tend effectivement vers la représentation d’une vérité universelle qui est la Beauté, l’appréciation de celle-ci comporte une part de subjectivité, à la différence du Bien: tel morceau de musique, tel tableau touchera une personne mais rebutera l’autre, sans qu’on puisse dire que l’une est en tort et l’autre dans son bon droit.  Pour autant, il ne s’agit pas purement d’une appréciation purement subjective, comme les jugements qui portent sur l’agréable (est-ce que ce vin est bon, est-ce les haricots verts sont meilleurs que les frites…?). L’art tend vers l’expression d’une vérité universelle qui s’impose à tous, celle du Beau, sans jamis totalement y arriver. On en discute donc, plutôt que d’en disputer: c’est-à-dire que l’on tend vers un accord, sans jamais totalement y parvenir.

Alors est-ce que la représentation outrageante du christianisme que la pièce Golgota Picnic propose s’inscrit dans un débat artistique légitime, dissimulant derrière l’insulte une vraie réflexion sur la nature de la foi et l’Eglise, digne d’être discutée et non disputée, ou est-ce qu’elle est purement insultante. Personnellement, je tendrai pour la seconde solution, et en tant que chrétien, je suis choqué de certaines des scènes qu’elle semble proposer (je n’ai pas vu la pièce et je n’en est pas franchement envie). Cela dit, quand je lis le dossier de presse, par exemple:

« Cette partie est une sorte de réponse ex negativo à la première, sans parole ni image. Beaucoup de gens ont pensé que c’est dans cette seconde partie que la pièce atteint un autre niveau, spirituel ou supérieur, comme si la musique « niait » la partie théâtrale. Pour moi c’est l’inverse : toute la destruction de la figure de Christ au début relève d’un amour pur, elle est la conséquence logique d’une transformation historique. Regardez l’histoire de la peinture. D’abord, il y les icônes byzantines : le Christ n’y est pas encore un homme. Ensuite,c’est progressivement une humanisation, une « incarnation » à travers les siècles. Et si vous comparez Les Sept Dernières Paroles de Haydn avec les Passions de Bach, chez Bach, le Christ porte encore sa couronne, il dit « Je suis le Roi », et le choeur répond « Tu le dis » – et il a besoin d’un double choeur, d’un choeur d’enfants, d’un double orchestre, de quatre solistes, d’un narrateur… Le Christ de Haydn n’a besoin que de quatre instruments à cordes ou d’un pianiste. Il est maintenant absolument homme, devenu humain comme le personnage d’un opéra de Mozart. Rodrigo accomplit alors le dernier pas. Il dit des choses invraisemblables, bien sûr, il compare le Christ à un terroriste, il ose des comparaisons très perturbantes, mais également drôle, il lui fait dire : quand on n’a que douze personnes qui vous suivent, il vaut mieux se retirer de la politique… Certes, c’est radical mais, le spectateur, qui reste bouche bée, parvient aussi, à travers cet étonnement et ces chocs, à une interrogation spirituelle, à une réévaluation de la figure du Christ » (entretien avec Marino Formenti dans le dossier de presse).

… Je ne suis pas nécessairement très convaincu, pas du tout même, mais dans mon for intérieur, je dois reconnaitre que je n’en sais rien, que ça se « discute »…

L’article du Chafouin sur la polémique donnait un autre argument en faveur d’un combat sur le terrain du financement public:

« Des actions fermes mais non-violentes sont possibles. Distribution de tracts, dialogue avec les organisateurs, avec les élus, interpellation sur la distribution de subventions pour un spectacle qui heurte les sensibilités (quelle collectivité oserait subventionner Dieudonné, par exemple?), sont des pistes possibles ».

La question n’est pas de savoir à mon avis quelle collectivité « oserait » financer Dieudonné, mais si elle peut le faire, certaines des représentations de cet humoristes lui ayant valu d’être condamné pour diffamation publique à caractère racial. Sur cette question, qui est celle du conflit entre la liberté d’expression et le respect des personnes, il est clair que l’artiste n’est pas au dessus des lois. Il s’agit d’ailleurs d’une vieille polémique, comme en témoigne la controverse autour des libelles aux 18ème siècle. Pour ma part, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer dans un article précédent, je conjugue ma foi catholique avec un certain attachement pour la démocratie, et la liberté d’expression qu’elle garantit constitutionnellement. C’est pourquoi entre la voie préventive face à l’injure publique (censure préalable: par exemple faire pression sur les collectivités pour interdire la représentation, ou chercher à l’entraver en gênant son financement) et la voie répressive (le procès pour undélit constitué: injure, diffamation, discrimination…) je choisis résolument la seconde. Je reconnais qu’elle est très difficile à appliquer, comme ce billet de Nicolas Mathey tend à le démontrer, et je dis « tant pis! »: la liberté d’expression a plus de prix pour moi que l’interdiction d’une ou deux pièces obscures jouant la provo facile. Vous pouvez consulter à ce sujet ce billet d’Eolas, qui rejoint mon avis en l’exprimant mieux que moi.

Je suis également très réservé sur le principe face à des arguments du type: « je ne veux pas que mes impôts servent à payer une pièce qui outrage ce qui m’est cher ». Il est vrai que le prélèvement des imôts en France repose sur le principe du « consentement » de chaque citoyen:

 « L’obligation de déclarer ses revenus relève d’un autre principe : le consentement à l’impôt. Les premières critiques émises à l’encontre du système d’Ancien Régime ont porté sur la question de l’impôt et, en particulier , s ur le fait que les sujets ne pouvaient pas indiquer leur consentement à l’impôt. L e régime politique anglais s’est peu à peu démocratisé à partir cette question, en laissant une place grandissante au Parlement en matière de finances publiques ( Pétition des droits , 1628). En France, le principe de consentement à l’impôt a été définitivement acquis avec la Révolution française et la Déclaration des droits de 1789. Tous les citoyens ont le droit de consentir librement à la contribution publique, par eux-mêmes ou par leurs représentants (ex : députés), et d’en suivre l’emploi (art.14). Aujourd’hui, lorsque le Parlement vote les lois de finances, il accorde son consentement, et celui du peuple qu’il représente, à l’impôt » (vie-publique.fr).

Je rappelle néanmoins que la décision définitive de l’Etat ou des collectivités d’accorder ou non telle ou telle subvention s’appuie sur  le principe de la volonté générale, qui diffère de la somme des intérêts particuliers pour le droit français. L’utilisation du lobbying, qui est la proposition de Pneumatis, correspond certes à une tendance croissante inspirée de la conception anglo-saxonne du droit. Je voudrais juste remarquer qu’elle ne va pas de soi, et pose un débat de fond sur la manière dont nous concevons le fait de vivre ensemble dans une démocratie multi-culturelle:

« Dans la conception française, l’intérêt général ne résulte pas de la somme des intérêts particuliers. Au contraire, l’existence et la manifestation des intérêts particuliers ne peuvent que nuire à l’intérêt général qui, dépassant chaque individu, est en quelque sorte l’émanation de la volonté de la collectivité des citoyens en tant que telle. Cette conception, exprimée par Rousseau dans Le contrat social et, à sa suite, du fait de son influence au moment de la Révolution française, dans une grande partie de l’histoire juridique française, est celle de la  » volonté générale « . Or, si  » la loi est l’expression de la volonté générale  » (art. 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 26 août 1789 ), il ne peut être admis que des groupes d’intérêts puissent tenter d’influencer son auteur, à savoir les parlementaires. La tradition issue de la période révolutionnaire est dès lors marquée par la défiance, la suspicion envers toute tentative de manifestation d’appartenance à un groupe d’intérêts particulier. Les corporations de métiers sont interdites comme les syndicats ouvriers (loi le Chapelier, 1791) : il faut attendre 1901 pour qu’une loi sur la liberté d’association soit votée. Il n’est en effet que tardivement admis que l’État puisse être concurrencé dans sa mission de détermination et de poursuite de l’intérêt général. Si l’action des lobbies est avérée en France, elle n’a donc aucun caractère officiel. Cependant, l’évolution récente liée à la montée des réflexes communautaristes tend à infléchir cette conception » (vie-publique.fr).

Je ne vais pas trancher sur cette question, même si subjectivement,  je tend à préférer une conception de la volonté générale distincte de la somme des intérêts particuliers. Je voulais juste faire remarquer que la démarche qui consiste à cosntituer des groupes de pression sur les élus n’est pas une évidence, mais engage une conception de la vie politique bien précise, qui n’est pas la seule possible, qui est très respectable en elle-même mais qui ne s’impose pas avec la force d’une évidence, et qui pour ma part me déplait par le fractionnement de la société en groupes d’influence qu’elle semble opérer (et me remémore cet  extrait de la tribune de plusieurs catholiques dans le monde sur la pièce de Castelluci: « La question qui se pose, au fond, est simple et essentielle : voulons-nous laisser notre société se scinder en plusieurs groupes qui s’ignorent et se craignent ? Face à ce danger, une seule voie est possible : nous devons accepter de renouer un vrai dialogue, risquer l’aventure de l’écoute, de la confiance et de l’échange rationnel autour de la question de la foi« ).

Ce qui m’amène à l’argument du courrier de Pneumatis qui a failli me faire tomber mon smartphone des mains, lorsque je l’ai lu pour la première fois:

« A l’exemple du récent rassemblement interreligieux à Assise, où plus de 300 dignitaires de toutes les religions, ainsi que des non-croyants, étaient réunis, l’heure est plus que jamais au dialogue et à l’amitié, dans le but commun de servir la paix. Aussi, vous conviendrez que de contribuer financièrement à un fond de commerce, dont le produit a pour vocation de nuire à la paix entre les chrétiens et les non-chrétiens, est pour le moins contraire à l’esprit d’un pays qui se veut profondément humaniste, soucieux de la paix et du respect de chacun« .

Malgré tout le respect et l’admiration que je voue à l’auteur de ce passage, et toute mon immense reconnaissance pour l’effort prodigieux de dialogue qu’il a fait jusqu’ici avec des métalleux, pourtant pas toujours tendres avec lui loin s’en faut, dans le cadre de la polémique sur le Hellfest, je trouve que ça sonne un peu: « Viens fermer ta gueule, pour qu’on puisse dialoguer toi et moi! ».  C’est-à dire que ce paragraphe pose à mon avis comme préalable au dialogue d’agréer à une position qui est précisément l’objet de celui-ci, un peu comme si le Pape avait demandé que ne viennent à Assise que des personnes qui reconnaissent que Jésus est Fils de Dieu et sans péché, puisque dire le contraire blasphèmerait sa part divine et constitue une offense pour la foi de tout chrétien.

Alors certes, entendre traiter le Christ de « terroriste » sonne plus mal à mes oreilles que la qualification de « prophète » qui lui est attribuée par le Coran.

Cela dit, la règle, quand on pose un dialogue, est de partir du terrain commun, et de définir les noeuds de divergences. En l’occurrence, ce qui s’oppose, c’est le refus absolu du blasphème pour les catholiques, et la défense de la liberté artistique pour les partisans de Golgota Picnic et autres. On l’a bien vu aux réactions de certains lecteurs du Monde au titre de la tribune récemment publiée par plusieurs personnalités catholique: « Le symbole du Christ doit être respecté par les artistes« . La question de la censure, et tout particulièrement quand on abord des qustions religieuses, est douloureusement sensible chez la plupart de nos contemporains.

La question qu’on peut alors  se poser est la suivante: est-ce que convaincre les mécènes d’oeuvres apparemment antichrétiennes de retirer leur financement est de nature à encourager un dialogue entre croyants et non croyants sur la gravité du blasphème, ou à empêcher celui-ci. Je pense que l’histoire récente nous donne quelques exemples éclairants. Rien que concernant la polémique sur le Hellfest, j’en trouve deux.  Les pressions sur les sponsors du Hellfest en 2009 ont partiellement réussi, puisque Coca-Cola a alors décié de retirer sa participation. Loin de sensibiliser les métalleux hostiles au christianisme aux blessures que certains groupes infligent aux chrétiens, cette décision les a révoltés, et a été le point de départ d’une guerre de tranchée qui dure encore. Bien plus, cela a profondément blessé ceux qui étaient à la fois catholiques et métalleux, ou qui essayaient déjà de susciter le dialogue. Alors certes, des éléments positifs ont surgi peu à peu de ce bourbier, mais comme l’Evangile dit: « il faut que le scandale arrive, mais malheur à celui par qui le scandle arrive ». Second exemple: l’initiative du blog Les Yeux Ouverts qui a réussi à entrainer la déprogrammation par le Hellfest du groupe Anal Cunt. Bien que la polémique portait sur un sujet éminemment plus consensuel que le blasphème, la shoah, les réactions, même des métalleux les plus favorables en principe au dialogue avec les cathos, furent hystériques, et leur violence m’a éffaré au point que j’ai ressenti alors le besoin de créer la page facebook « Pour un dialogue constructif sur les relations entre metal et christianisme » pour essayer de calmer un peu le jeu. Ce que ces exemples nous rappellent à mon avis, c’est qu’il n’est ni réaliste ni constructif d’essayer de mener de front à la fois une démarche de dialogue et une démarche de pression via les autorités publiques et les sponsors. Que chacun réfléchisse en conscience à la manière dont il réagirait à une sollicitation menée sous cette forme, et il réalisera que prétendre dialoguer tout en organisant simultanément une forme de censure, quelle qu’elle soit (et chercher à entraver le financement d’une manifestation culturelle est une forme de censure) d’un discours toléré par la loi est i-n-a-c-c-e-p-t-a-b-l-e aux yeux de n’importe quel contradicteur ou même de la plupart des observateurs plus ou moins neutres.

Donc il faut choisir: soit on dialogue, soit on cherche à censurer, mais chercher à faire le deux à la fois, c’est vraiment tomber dans la fausse solution de compromis rose bonbon. Franchement, ce type de propositions me fait relire avec plus de bienveillance les accusations venant des cathos « durs » telles que « bisounours », « tièdes », « cathos honteux »… Ca pue la mauvaise conscience du type qui a des remords après une bonne engueulade et qui va un peu forcer dans l’autre sens pour essayer de tout arranger. C’est de la mobilisation sous le coup de l’émotion, avec tous les effets pervers de ce type de réaction. J’ai bien compris que cette initiative visait à donner aux jeunes cathos blessés par la pièce (qu’ils n’ont pas encore vu pour la plupart et qu’ils ne sont pas obligés de voir mais ce n’est pas grave) une alternative pacifique au militantisme dur d’organisations d’extrême droite, pour faire barrage au pouvoir de séduction de ces dernières. Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas dans les faits d’une véritable alternative, mais de la même démarche reformulée de manière plus consensuelle. On prend le coeur de l’action de Civitas: le lobbying auprès des élus pour contourner le problème posé par la liberté d’expression, et on remplace les jets d’oeufs et d’huile de vidange par de grands appels généreux au dialogue. Le problème est que comme je viens de le montrer, cette contre -proposition est remplie de contradictions internes et présente au final un projet affaibli par rapport à celui de Civitas car moins cohérent. Il ne va pas plus convaincre les partisans de la pièce de dialoguer, car il s’assied royalement d’emblée sur ce qui leur est le plus cher: le supposé « droit au blasphème », et il va à mon avis plutôt faire rire qu’autre chose les cathos partisans de Civitas, car les mêmes (pas seulement Pneumatis) qui n’avainet pas de mots assez durs pour condamner ces dernières semaines leur démarche ne trouve rien de mieux à proposer à la place qu’une version délayée de ce qu’ils ont déjà tenté. Car cette nouvelle tentative de lobbying a de bonnes chance d’échouer, comme la plupart de celles qui l’ont précédée ces dernières années, augmentant encore le désespoir des jeunes cathos, et entre ceux qui proposent un lobbying « mou » sur fond d’un dialogue rendu impossible par cette même initiative, et ceux qui revendique un lobbying avec des couilles, décomplexé sur la question de la confrontation, le choix sera à mon avis vite fait. Ce type d’initiative confirme les « durs » dans leurs opinions, et affaiblit la position des partisans du dialogue.

Et puis il y a à mes yeux quelque chose de malsain dans la façon dont tout le monde se retourne contre la pièce Golgota Picnic après s’être déchiré la tronche sur celle de Castelluci. Comme si elle était la victime expiatoire d’une sorte de grand rituel païen de la réconciliation entre cathos, le bouc émissaire commode, sans ambiguité apparente, le vrai méchant contre lequel tout le monde s’unit à la fin. Avec à mon avis le risque d’un nouveau décalage avec la réalité et de nouvelles injustices envers des personnes…

Alors j’entends déjà mon « meilleur ennemi » Le Yeux Ouverts m’adresser à nouveau les critiques qu’il avait déjà émises après lecture de mon billet sur la christianophobie. Il est clair que ce billet s’inscrit en faux d’une part contre une position du porte-parole de la CEF en faveur de l’appel aux élus contre les subventions publiques accordées à la pièce. Maintenant, je ne crois pas que Mgr Podvin, avec tout le respect sincère que j’éprouve envers sa personne et son ministère, énonce alors un avis qui engage la foi de l’Eglise, mais qu’il émet une proposition d’ordre tactique. Je pense que j’ai le droit de ne pas être d’accord avec une telle proposition sans que quiconque ait à émettre des soupçons sur ma communion avec l’Eglise, tant que je le fais de façon argumentée et respectueuse. Je pense que sur ce type de questions, même les évêques ne sont pas nécessairement d’accord entre eux et qu’il ne faut pas confondre communion avec l’Eglise et  conformisme intellectuel.

En second lieu, Les Yeux Ouverts aime à souligner que je ne cite jamais la Doctrine Sociale de l’Eglise. Alors j’admets que je la connais assez peu. Cela dit, il m’arrive de la parcourir, et je n’y ai jamais lu que l’appel à la censure préalable ou au lobbying sur les élus était le moyen qui s’imposait à tout catholique pour faire face à la déchristianisation de la culture. Par contre, je considère que de telles méthodes ne vont pas de soi dans un cadre démocratique et pluraliste, et j’avais cru comprendre qu’on pouvait se dire catholique tout en étant attaché à ce dernier. Peut-être me suis je trompé ou ai-je été induit en erreur sur ce dernier point, mais dans ce cas j’aimerais qu’on me le dise clairement.

Professeur d’histoire des religions à la faculté de théologie de l’université Marc-Bloch à Strasbourg, et éminent historien de l’art, le dominicain François Boespflug a rappelé à ce sujet une belle vérité que j’aimerais rappeler pour conclure la partie « critique » de ce billet:

« On ne peut aucunement en faire une question politique, et espérer faire interdire ce qui est de l’ordre de l’opinion. La censure a bien plus d’inconvénients que la liberté religieuse ! On peut débattre sur le registre religieux – une œuvre nourrit-elle la foi, l’espérance et la charité ? – ou sur le registre artistique, et les chrétiens ne doivent pas hésiter à s’exprimer. Il reste tout à fait possible de développer un point de vue critique par rapport à ceux qui se moquent ! Dans le cas de Castellucci, je ne m’explique pas qu’une pièce assez médiocre fasse tant de bruit. Pour autant, je me réjouis qu’elle puisse être représentée dans mon pays, et je me déclare prêt à défendre coûte que coûte la liberté d’expression… qui me permet de dire que bien des œuvres qui défraient la chronique ne valent pas vraiment ledéplacement ! » (entretien dans La Vie du 9/11/2011, par Joséphine Bataille)

Conclusion: Que faire? 

Comment donc poser ce fameux dialogue, puisque la passivité n’est pas non plus une solution, comme en témoigne la radicalisation des jeunes catholiques en réaction à une certaine « pastorale de l’enfouissement »? J’ai bien aimé les propositions de Jean-Baptiste Maillard et certaines de celles  du Spirituel d’abord (pas la seconde par contre).  La meilleur façon de dialoguer avec le monde de la culture, c’est de se placer sur cette dernière, en soulignant d’une part tout ce qu’il ya de cliché ou de faux dans certaines représentations contemporaines du christianisme, comme le présent blog essaie de le faire pour le black metal, et en proposant des alternatives artistiques qui montrent que l’apport de la foi chrétienne peut renouveler la perception et la mise en forme de la Beauté, comme là encore j’essiae de le faire en essayant de mieux faire connaitre la scéne chrétienne du black metal et en essaynt de contribuer à lui donner une assise théorique.

Je voudrais pour conclure ce billet rappeler deux principes qui me paraissent pouvoir cadrer utilement la réflexion des uns et des autres.

D’une part, je ne pense pas qu’il y ait lieu de choisir son « camp » entre les artistes blasphémateurs et les manifestants. L »Eglise est une communion, c’est certain. Elle n’est pas pour autant un club de rugby. Il n’y a pas les cathos et les autres. Telles que je vois les choses, on a d’un côté un metteur en scène et auteur qui a très profondément souffert dans sa jeunesse d’une compréhension erronée du christianisme, qui a longtemps été une source de terreur dans sa vie d’enfant et d’adolescent, et qui décompense dans ses pièces. Et de l’autre, on a des jeunes qui souffrent de la déchristianisation apparente de la société et de la culture, souffrance renforcée par une conception parfois discutable et simpliste que certains d’entre eux ont de l’art et du péché de blasphème. Et cette souffrance obscurcit également leur discernement en leur faisant approuver ou participer à des opérations violentes, sinon physiquement, du moins psychologiquement (il n’y a qu’à lire les commentaires sur certains blogs et certaines pages facebook). Personnellement, je comprends les souffrances exprimées des deux côtés, et je désapprouve chacun des discours qu’elles ont engendrés. Je n’établis pas de hiérarchie entre les blessures personnelles et les erreurs de discernement de mes prochains en fonction de la proximité éventuelle de leurs croyances et des miennes.

Alors certes il y a le Christ, outragé par les auteurs de Golgota Picnic, et par ceux des manifestants qui ont choisi la violence et l’idéologie pour défendre leur foi. Le Christ dont il faut rappeler au monde de la culture qu’il s’est sacrifié pour l’ensemble de l’humanité, et dont le témoignage d’amour infini à donné à cette culture une grande partie de ses chefs d’oeuvres. Mais le Christ également qui nous a rappelé qu’il ne faut seulement aimer nos rpoches, mais nos ennemis également comme nous-mêmes. Et qui nous invite à mon avis à écouter les reproches qui sont faits à l’Eglise pour mieux y répondre, à comprendre ce qui a pu conduire ceux qui nous détestent à se détourner de lui, avat de les condamner. Et chercher à les faire taire, ce n’est pas la solution. Si j’appelais à assécher financièrement Civitas, au delà des question de possibilité d’une telle entreprise,  je pense que cela serait pris par beaucoup comme une manière de jeter de l’huile sur le feu. Alors pourquoi faire de même avec Golgota Picnic?

A ce sujet, j’étais assez peu surpris par le courrier de Pneumatis en lui-même, car je le sentais venir depuis une de ses intervention sur le blog note de Radio Notre Dame il y a quelques semaines. Il y a juste une petite chose qui m’a un peu heurté quand même:

« J’attire votre attention sur le fait que l’auteur de la pièce use sciemment de ce dénigrement à des fins mercantiles, puisqu’il dit lui-même dans un entretien pour le festival d’automne parisien : « Mes pièces sont toujours mal reçues. Une bonne partie du public est bête : il continue à remplir les théâtres, parfois juste pour réprouver ce qu’il voit. […] En ce qui me concerne, le comportement de ces gens porte ses fruits : vu qu’ils paient leur billet d’entrée, ils nous permettent de gagner de l’argent pour vivre. » Voilà ce que vous dit l’auteur de cette production du festival d’automne parisien. »

A mon avis, c’est un détournement de citation pur et simple, que j’imagine dû à l’émotion… Cette citation, extraite d’une interview citée dans le dossier de presse de la pièce, répond à la question suivante: « De quelle façon votre pièce a-t-elle été reçue lors de sa création en Espagne ? » Pour moi, il est évident, après avoir lu l’intégralité de l’entretien, que le metteur en scène ne dit pas qu’il cherche à choquer pour gagner de l’argent, mais qu’il relativise la mauvaise réception de ses pièces en disant qu’au moins ceux qui les critiquent contribuent aussi à leur façon à leur existence en les finançant. C’est sûr que ce n’est pas super cool de dire « une bonne partie du public est bête », mais quand on lit l’ensemble du dossier de presse, il est clair que les choix de mise en scène de l’auteur obéissent à des mobiles artistiques, aussi contestables  soient-ils en eux-mêmes, et non à l’appât du gain. Diaboliser l’adversaire tout en appelant au dialogue, il fallait le faire, et c’est pour moi le signe d’un discernement qui est encore amené à se préciser et à s’étoffer.

En second et dernier lieu, je vois nombre de personnes, sur Twitter, sur Facebook, qui s’émeuvent de la polémique actuelle et déplorent tous ces conflits et toutes ces polémiques  et toutes ces divisions au sein de l’Eglise. Si je comprends leur lassitude, qui est souvent aussi la mienne, je suis tenté de leur dire quand même: « et alors? ». Pierre et Paul se sont frités sévère aux premiers jours de l’Eglise, et la Communion de celle-ci n’en a pas pour autant souffert, au contraire. Ce sont des questions importantes dont il est question: du blasphème, du rapport de l’Eglise à la culture, à la démocratie, au monde politique. Mieux vaut affirmer clairement nos désaccords, plutôt que de les dissimuler sous le silence  et les compromis de façade. C’est sûr que c’es t moins agréable à vivre que le Frat ou les JMJ, et j’en sais quelque chose, moi qui me retrouve à aligner un blogueur dont je me sens particuièrement proche dans mes opinions, qui a été le premier à lire le présent blog, à le commenter et à m’encourager, sans lequel je ne me serais peut-être pas autant investi dans la cathosphère. C’est difficile de se dire les choses en face, mais le conflit d’idées n’est pas à craindre en lui-même: c’est lui aussi qui fait que notre Eglise est vivante, qu’elle a des propositions à faire à un monde qui nous comprend de moins en moins. Ce qu’il faut, c’est trouver un moyen de dédramatiser ces conflits, de condamner les idées tout en respectant les personnes. A ce titre, j’ai été touché par ce très beau témoignage, sur un blog dont je réprouve pourtant  les idées et dont je n’aime pas la sensibilité, et sur lequel je conclus quand même, parce que condamner les idées, ce n’est pas la même chose que refuser d’écouter la parole qui les porte et qui peut à l’occasion nous déplacer.

Petite question comme ça en passant…

Posted in Actualité et perspectives du black metal with tags , , , , , , , on 4 novembre 2011 by Darth Manu

Je parcourais ce matin dans le métro le dernier numéro de Metallian (qui comporte un dossier sur le metal en Afghanistan et en Syrie sur lequel je compte revenir prochainement) lorsque je suis tombé sur la question suivante, dans l’interview du groupe de christiancore As I Lay Dying:

 » En Europe le metalcore, le « christiancore » sont des styles de plus en plus a la mode. Avouer sa foi n’est plus vraiment une heresie danle rock,vous-même avez un message d’inspiration chrétienne. Que vous inspire ce changement dans les mentalités? » (Metallian n°68, p. 68, interview par Vincent Zasiadcyk).

Alors OK, le black metal et le metalcore ce n’est pas vraiment la même chose musicalement et les deux milieux ne s’apprécient pas forcément, mais cette micro-analyse du jourrnaliste qui interviewe As I Lay Dying confirme mes propres intuitions: l’anti-christianisme des métalleux, loin de progresser, tend à s’estomper avec les années.

Les black metalleux de la première heure, qui avaient la vingtaine au début des années 1990 et qui rêvaient de conduire la révolte contre le christianisme et de mettre les églises à feu et à sang tournent autour de la quarantaine actuellement et ont pour beaucoup nuancé et assagi leur jugement du christianisme, d’après les propos de certains d’entre eux sur des forums, dans des chroniques d’albums chrétiens, etc. Le satanisme et l’antichristianisme, sincères chez certains, apparaissent de plus en plus aux yeux du plus grand nombre comme des clichés. L’existence du metal chrétien, y compris du unblack, est de mieux en mieux connue, et après de longues années de réactions épidermiques de rejet ou de dérision, il commence à être  jugé sur la valeur musicale des groupes et non d’après leurs croyances. Il m’arrive aussi de temps en temps d’apercevoir tel ou tel prêtre en clergyman dans des bars ou des rassemblements de métalleux (et pas seulement le Père Culat) et ils semblent bien accueillis et intégrés à la communauté.

La réponse de As I Lay Dying semble traduire que les musiciens chrétiens sont conscients de cette évolution, et semblent désormais soucieux (beaucoup d’entre eux en tout cas) de s’intégrer à la scène metal « mainstream » (la « secular scene« , comme disent les metalleux chrétiens anglo-saxons) et non de se définir en opposition à elle:

 » Tout d’abord, je ne suis pas très familier avec le terme « christiancore ». Je dirais que la popularité du style dont tu parles est due au fait que les gens sont de plus en plus ouverts à des idées et à des styles différents au sein du metal, et c’est vraiment une très bonne chose! As I Lay Dying est simplement un groupe de metal et rien d’autre. Il est vrai que nos croyances peuvent inspirer nos textes, mais jamais un riff, jamais notre musique! Je ne suis pas certain qu’il soit possible de faire sonner un accord de guitare de façon chrétienne… Si? (Rires)… »

S’il me semble personnellement que l’inspiration des textes peut avoir un lien avec l’inspiration musicale (quoique certes pas de façon systématique), et s’il est vrai que les chrétiens semblent encore relativement minoritaires au sein du metal, et que ce même numéro de Metallian comporte plusieurs interviews de groupes qui professent leurs croyances occultistes, voire satanistes, il est clair que les vieilles rancoeurs finissent par s’amoindrir avec le temps et qu’une main nous est tendue.

Alors, plutôt que de risquer de raviver les vieilles haines en intentant un procès en « christianophobie » au metal sur la base de citations de morceaux hors contexte, sans connaissance ni compréhension réelle du milieu, et en clamant y voir une évolution contraire de celle qui est en train véritablement de se produire, pourquoi ne pas prendre cette main, et initier une fois pour toute un dialogue constructif sur les relations entre metal et christianisme?

Dialoguer d’âme à âme…

Posted in Hellfest with tags , , , , , on 10 août 2011 by Darth Manu

Radio Metal vient de publier un article sur les émeutes de Londres, et leurs conséquences potentiellement catastrophiques pour les petits labels de metal indépendants.

Le passage suivant m’a particulièrement touché:

« Un entrepôt appartenant à Sony et contenant les stocks de plus de 150 labels indépendants a été incendié dans ces émeutes. Parmi ces labels, on trouve le nom de Nuclear Blast, mais aussi d’autres qui n’ont guère de places pour la moindre prise de risque, dont la moindre production est un pari, et qui ont vu leurs efforts partirent en flamme en quelques heures. Certains labels n’avaient certainement pas d’autre stock à part dans cet entrepôt et leur remplacement leur coûtera énormément, leur coûtera peut-être leur entreprise.

Le travail de nombreuses âmes qui espéraient par leurs efforts changer quelque chose dans la musique réduit à néant par de faux rebelles avec le faux prétexte de changer des choses dans leurs vies ».

Je ne connais pas bien le contexte des émeutes de Londres, et peut-être ont elles (ou non) des motifs légitimes, je n’en sais rien… Toujours est-il qu’elles ont mené certaines personnes , certaines âmes, aveuglées par leur colère ou leur haine, à remettre en cause l’action créatrice d’autres âmes, à contrecarrer potentiellement de manière grave leurs rêves et leurs ambitions.

Mon blog ne porte ni sur l’actualité sociale du Royaume Uni ni sur celle économique de l’industrie musicale. Par contre il a à coeur de promouvoir le dialogue entre métalleux, chrétiens, et « métalleux chrétiens », de surmonter les antagonisme et de promouvoir tout ce qui peut construire ou dévoiler des ponts et des luttes en commun.

Ce que me rappelle cet article,  en lien avec cette thématique centrale pour le présent site, est que ce dialogue qu’avec d’autres j’essaie de construire n’engage pas seulement des deux côtés des ennemis, des étrangers, ou même des frères ou des amis. Au niveau le plus basique, il engage des âmes, avec certes leurs préjugés, leurs excès, leurs arguments plus ou moins honnêtes ou leur refus de l’autre, mais aussi avec leurs rêves et leurs idéaux, au noms desquels elles se sont engagées dans cette polémique du Hellfest, de manière conflictuelle ou conciliante suivant les cas.

Certains ont tout donné pour la musique: leurs études, leur carrière, leurs économies, j’en connais, par amour pour la musique, et tout particulièrement pour le metal. Certains ont même été sauvés de la dépression ou du suicide par cette passion. D’autres ont choisi de centrer leur vie autour du Christ et de sa mort sur la Croix, de la rythmer autour de la Bonne Nouvelle des évangiles, et y ont trouvé le sens de leur vie et une forme particulièrement puissante et vraie d’aspiration au Bien. D’autres encore, tel l’auteur de ces lignes, ont construit leur personnalité et leurs valeurs sur la conjonction de ces deux héritages.

Tous, nous nous représentons aisément dans la situation de ces petits labels, qui ont tout misé sur u rêve ou un idéal, ou une certaine représentation du Beau ou du Bien, et nous sommes prompts à identifier notre contradicteur comme l’émeutier londonien, qui sous le prétexte d’une révolte aux motivations incertaines va briser ou salir tout ce qui nous est cher, tout ce qui meut notre âme: le catho qui sort des immondices sur la musique à laquelle il ne connait rien, le métalleux « borderline » ou carrément haineux ou sataniste qui va vomir sur le Christ ou l’Eglise, le tradi ou le « true black metalleux » obtus qui va refuser le dialogue, le trendy ou le catho bisounours qui fait chier avec son dialogue irréaliste…

Mais l’émeutier londonien a peut-être aussi ses motivations et ses rêves, il a aussi son âme et potentiellement son geste créateur (ce n’est pas une analyse des émeutes londoniennes, que je n’ai suivi que de loin et sur les quelles je n’ai pas vraiment d’opinion: je file juste la métaphore). Il ne se considère pas nécessairement comme quelqu’un de brutal ou de mauvais: il défend ses idéaux: et pourtant il va briser ceux d’un autre, de son « prochain » serais-je tenté de dire en bon catho que je suis, lui faire obstacle, par pure ignorance. Il va mettre l’entreprise d’une vie en grand péril. De même que certains métalleux blessent la ferveur de certains chrétiens par des provocations un peu grossières et gratuites, ou que des chrétiens montent des tribunes faciles contre les métalleux « haineux » à partir d’une poignée de citations déformées ou hors contexte.

Ce que je vais dire n’a rien d’original, j’en suis conscient. Cette année a été plus calme que les précédentes, dans le cadre de la polémique qui nous occupe. L’année prochaine, avec l’actualité électorale liée aux présidentielles, avec son cortège de postures des uns et des autres, pourrait être plus violente, je ne l’espère pas…

Pour nous y préparer, les uns et les autres, et puisque j’ai la chance d’être lu par des représentants des différents « clans », je propose que nous nous mettions tous, à titre d’exercice heuristique, dans la représentation mentale que nous nous faisons de nous mêmes et de notre contradicteur, non pas dans la position, si facile à adopter. de la victime », en l’occurrence du petit professionnel de la musique menacé, mais, au moins de temps en temps,  dans celle de « l’agresseur », l’émeutier qui tout à sa colère, peut-être fondée en elle-même en justice et en vérité, va détruire à son insu un trésor: celui d’une autre âme, celle du petit label qui lutte au jour le jour pour survivre et faire son trou. Ainsi le chrétien qui va blesser l’engagement musical de métalleux pas forcément hostiles au christianisme, ou le métalleux qui va insulter cet héritage du Christ et de son Eglise cher au chrétien pas nécessairement ennemi des sons saturés, vandalisent tous les deux à leur manière un trésor, celui d’une vie ou de plusieurs, au nom très souvent de blessures personnelles ou d’arguments objectifs tout à fait respectables et dignes de considération en eux-mêmes, mais sans suffisamment d’égard pour l’âme de l’autre, « l’ennemi », et tout les valeurs, le témoignage, l’effort de création qu’elle représente.

Je ne demande bien sûr pas à chacun d’entre nous d’abandonner les excellentes analyses que nous déployons contre l’intolérance des cathos, la cathophobie des métalleux, pour le dialogue ou contre le dialogue: il y a peut-être là notre part d’émeutier, obscure, destructrice, mais aussi notre propre part de lumière, notre propre trésor. Ce que je nous demande, c’est de confronter notre trésor au trésor d’autrui, et non notre part d’ombre à la sienne comme trop souvent. De ne pas être aussi défensifs que jusqu’ici, mais de nous demander à nous-mêmes, sincèrement et en conscience, nous « pro hellfest »: ce que les critiques de certains sites cathos, en ce qu’elles sont l’expression d’une ferveur et d’une recherche du Bien et du Vrai, peuvent apporter en maturité et et en évolution de ses présupposés (ce qui fait aussi vivre l’art) à notre musique de prédilection: le métal. Et nous « anti hellfest »: ce que l’incompréhension et la colère des métalleux nous donne en témoignage d’une forme de recherche du Beau propre à cette musique, et de l’engagement de milliers de personnes, jeunes et moins jeunes (les fondateurs du BM flirtent avec la quarantaine et ceux du heavy avec la soixantaine voire beaucoup plus) au service d’une passion qui a certes ses aspectes sombres, mais leur a le plus souvent désirer créer plutôt que détruire.

Ainsi nous redécouvrirons ensemble la signification profonde et véritable du dialogue: non pas l’utopie d’un accord qui se dérobe toujours devant les divergences d’arguments et de vécu, mais la confrontation constructive de deux parcours, qui tout en continuant à s’opposer découvrent progressivement le trésor de l’autre, et en profitent pour faire fructifier leur propre trésor, qui renforcent leur singularité et leur désaccord, d’une certaine manière, en reconnaissant la richesse du témoignage de leur contradicteur, et en l’honorant par des objections nourries sur une réflexion au moins aussi riche. J’ai plusieurs fois rencontré de tels dialogues, entre des militants de droite et de gauche, voire d’extrême gauche et d’extrême droite, entre des chrétiens et des musulmans, des croyants et des athées… Tous, nous en avons vécu, et sommes marqués beaucoup plus profondément par,  de telles expériences que par les polémiques auxquelles nous avons pris part. Rechercher le meilleur dans les arguments de l’autre, plutôt que le pire, lui faire confiance pour sinon nus convaincre, du moins nous surprendre, nous entraine à plus de rigueur et de sincérité dans notre propre recherche de la vérité, de telle sorte que non seulement nous opposons des arguments plus réfléchis et fouillés à notre contradicteur, mais que nous gagnons son respect par le témoignage que nous lui donnons de la prise en compte de ses idées dans nos réflexions, de telle sorte que lui-même se sente poussé à davantage se remettre en cause et progreser vers plus de vérité et de justice.

C’est pour moi ce que doit devenir la polémique autour du Hellfest: le modèle d’un débat parti sous les plus mauvais auspices, que tous ensembles, à l’image des alchimistes qui transforment le plomb en or ou de l’Esprit saint qui transforme la mort en vie, nous faisons évoluer vers un dialogue, sinon amical, du moins fratermel, entre contradicteurs aussi attentifs au trésor de l’autre qu’au sien propre…

C’est une utopie je le sais, mais qui nous donne, par dela nos différences et nos divergences, un idéal commun: non pas la guerre de tranchée que nous avons vécu jusqu’ici, non pas la soumission de l’autre, non pas la lente érosion de ses soutiens publics (fusse au nom d’inspirations aussi respectables que la Doctrine Sociale de L’Eglise ou l’oeuvre du philosophe marxiste Gramsci que jai vu certains invoquer), non pas une plate issue de « compromis », mais un rapport qui soit celui que j’imagine voulu par Dieu, qui préserve l’identité aussi bien que l’altérité en un même tout où chacun vit la contradiction comme un enrichissement mutuel et non comme une blessure ou une insulte…

Un dialogue d’âme à âme…

Quand Civitas attaque Kronenbourg les chrétiens trinquent…

Posted in Hellfest with tags , , , , , on 8 juin 2011 by Darth Manu

J’ironisais dans mon précédent billet sur les métalleux qui avaient pris au sérieux les billets anti Hellfest de Brave Patrie. A leur décharge, certains sites de la réacosphère arrivent à dépasser en ridicule leur propre parodie.

En témoigne ce montage surréaliste, commis par l’Institut Civitas, en grande forme malgré toutes les critiques, y compris du côté des cathos , que lui a values son action dans le cadre de la polémique autour de l’oeuvre « Piss Christ » exposée à Avignon en avril dernier:

Certains de mes lecteurs, qui se reconnaitront, se (com)plaisent à louer dans ce genre d’initiatives « une parole libérée », qui sème au fil des années des germes de vérité dans l’opinion publique, et qui à moyen terme permettra une prise de conscience des français et de leurs élus sur les méfaits de la « cathophobie », dans ce cas précis du comportement sataniste et blasphématoire de certains groupes.

Faisons un bilan d’étape de cette grandiose entreprise d’éveil des esprits aux méfaits du Hellfest:

En réaction à cette initiative de Civitas, Les Inrockuptibles titrent « En croisade contre le Hellfest, des cathos s’en prennent à Kronenbourg ». Dans leur article, on peut lire des perles telles que.

 « [le président de l’Institut Civitas]  a personnellement arrêté de boire de la Kro, mais quand on lui signale que les vins de la Loire subventionnent aussi le festival, il hésite. Plus difficile de faire une croix sur le Muscadet. »

Ou:

 « Du côté des festivaliers, cette agitation – plutôt anecdotique – commence à agacer. Mais Yoan Le Nevé, co-organisateur, reste compréhensif. L’année dernière, un débat avait même été organisé avec des prêtres, des exorcistes et des musiciens « satanistes ». Et finalement, en plus d’un gros coup de pub, la campagne des intégristes sert son propos : « Heureusement que le rock fait encore un peu peur aux conservateurs ! » »

Ou encore:

 « Jean-Pierre Coudrais, le maire de Clisson, est lui ravi de l’évènement qui apporte « un rayonnement international à la commune. Il y a des gens qui viennent de 50 pays différents ! » Il tient à signaler que la commune « va tout faire » pour conserver la manifestation, qui va devoir déménager l’année prochaine, à la suite de la construction d’un collège sur les lieux des concerts. »

En gros, Civitas se ridiculise aux yeux des médias, ridiculise l’ensemble de l’Eglise catholique avec lui (encore…), et leur donne l’occasion d’oublier une fois de plus que le débat de l’an dernier a été organisé par une radio catholique et non par le Hellfest. Autant dire qu’il ne réussit  pas du tout à créer cette supposée « prise de conscience », de même que ses comparses anti Hellfest.

Son initiative contre Kronenbourg est d’autant plus grotesque et malvenue que dans un courrier à l’un des signataires de la pétition du « Collectif pour un festival respectueux de tous », le sponsor écrit:

 « S’il devait s’avérer une atteinte aux lois de la République, Brasseries Kronenbourg respecterait toute décision de justice qui serait rendue et qui lui serait opposable. »

Or, les anti Hellfest aiment à répéter qu’ils ne s’attaquent pas spécifiquement au métal mais dénoncent « les appels à la haine » (délit susceptible de sanctions pénales donc) présents selon eux dans les paroles de certains groupes présents au Hellfest. La réponse de Kronenbourg ne s’oppose donc pas en substance à leur démarche (mais sont-ils à une contradiction près?), mais rappelle utilement que:

 « Premier Brasseur de France, Brasseries Kronenbourg, élabore ses bières en Alsace depuis 347 ans. Une longévité qui repose sur des valeurs et des engagements forts notamment en matière de consommation responsable, de respect de l’environnement et des différences, de soutien à la culture. Dans ce cadre, nous sommes très attachés à la liberté d’expression, droit fondamental de la République, qui s’impose à tous.  »

Nous sommes dans un Etat de droit, et les restrictions parfois nécessaires apportées à cette liberté d’expression doivent se fonder sur le droit, sur des arguments juridiques sérieux, voire des décisions de justice, et non sur des généralités et des clichés sur les groupes présents au Hellfest, et encore moins sur des pressions et des menaces. A ce titre l’attitude de Kronenbourg parait plus responsable et citoyenne que celle des lobbies anti Hellfest.

Au bout de quatre ans de polémiques, les actions contre le Hellfest échouent donc dans une large part à infléchir le point de vue des médias et des sponsors sur le Hellfest. Elles n’impressionnent pas non plus les responsables politiques locaux. Ainsi, on peut lire dans un article de L’Hebdo de Sèvres et Maine, reproduit sur le site du « Collectif pour un festival respectueux de tous » », qui porte sur le déménagement du Hellfest sur un autre site de Clisson, le passage suivant:

 « Jeudi dernier les élus clissonnais étaient appelés à voter leur aide. Celle-ci devrait atteindre les 60 000 euros. […] Le conseil municipal a appouvé la délibération. Un seul élu s’est abstenu ».

Une abstention n’étant pas une opposition, j’en conclus que la fameuse prise de conscience par les politiques et l’opinion publique des méfaits de la cathophobie que les actions contre le Hellfest étaient censées permettre depuis toutes ces années est pour l’instant un échec total.

Tout cela ne signifie pas qu’il n’y a pas des interrogations légitimes à poser sur l’hostilité au christianisme très présente chez certains groupes, notamment de black metal. En tant que catholique, je suis inquiet lorsque je vois des métalleux ridiculiser le métal chrétien par principe, au lieu de juger chaque groupe au cas par cas sur ses qualités musicales, ou lorsque je lis qu’un groupe de BM comme Old’s Man Child a refusé de jouer avec Extol parce que c’est un groupe chrétien, qu’Enslaved a annulé un concert avec Slechtvalk pour les mêmes raisons suite aux pressions de certains fans, ou encore que Cacophonous Records a pu virer un groupe d’unblack aussi talentueux qu’Antestor ou ne pas lui payer ce qui lui était dû là encore sous prétexte des convictions religieuses de ses membres. Tous ces évènements, malheureusement récurrents, sont autant de raisons pressantes et légitimes de construire un dialogue autour des relations entre christianisme et métal.

Seulement, il me parait de plus en plus évident que les actions menées contre le Hellfest non seulement ne permettent pas de faire avancer ce dialogue, mais rendent à ceux des métalleux qui le refusent un fier service, et ce pour deux raisons:

– Il est facile de trouver des exemples de situations où des groupes chrétiens ont été marginalisés ou empêchés de jouer du fait de l’extrémisme et des préjugés d’une minorité de métalleux. Au lieu de partir de ces exemples concrets pour montrer que les chrétiens sont en droit d’émettre certaines inquiétudes, et de proposer un dialogue serein, argumenté et respectueux des convictions de chacun, les anti Hellfest préfèrent répondre au mal par le mal, et se faire à leur tour les agresseurs. Alors qu’il existe des cas authentiques de « christianophobie » dans l’histoire du métal, dont l’analyse critique pourrait susciter cette prise de conscience des métalleux et du grand public qu’ils appellent de leur voeux, ils préfèrent se focaliser sur un festival qui, sauf preuve du contraire, ne s’est pas rendu coupable jusqu’ici de tels abus. Alors que dans d’autres cas les chrétiens étaient les victimes, ils nous font passer ici pour les agresseurs, et confirment la partie des métalleux et de l’opinion hostile au christianisme dans ses idées préconçues. C’est un cercle vicieux, où les préjugés et les excès des uns viennent nourrir ceux des autres et inversement.

-Cette polarisation sur le Hellfest ne permet pas d’énoncer clairement les vrais problèmes ni de poser un débat constructif. Le Hellfest n’est après tout qu’un festival de musique, certes important, en province, et même parmi les tradis, on trouve des gens qui se demande pourquoi y consacrer autant de temps et d’énergie, alors qu’il y a des problèmes beaucoup plus graves et urgents, ainsi ceux qui touchent à la bioéthique, aux inégalités, aux persécutions dans certains pays du proche et moyen orient,… Les organisateurs du festival ne sont pas forcément non plus les interlocuteurs qui ont le plus de marge de maneuvre pour dialoguer, de même que les élus locaux d’ailleurs: il y a trop d’enjeux financiers, musicaux, organisationnels et même politiques pour q’un débat amorcé de cette manière puisse être serein et constructif. Et il est illusoire de croire que la censure, même si elle a lieu (extrêmement peu probable dans les circonstances actuelles) de ce festival va permettre l’évolution des mentalités les plus hostiles au christianisme. Au contraire, un tel coup de théâtre, qui mettrait un terme à l’un des festival de métal les plus importants d’Europe, serait une blessure qui exacerberait pendant des années les préjugés contre l’Eglise, et rendrait beaucoup plus difficiles encore les efforts des métalleux chrétiens qui essaient de changer les choses de l’intérieur.

C’est pourquoi je suis désormais convaincu qu’il est urgent de mettre un point final à cette polémique contre le Hellfest, qui a heurté trop de monde depuis trop longtemps pour pouvoir vraiment devenir juste et constructive, et reprendre le problème à zéro, en posant de manière globale, ferme, et appuyée sur des exemples précis et documentés, la question des rapports très contrastés et ambigus (entre rejet et fascination) du métal au christianisme depuis ses débuts. Car lutter contre la « cathophobie », c’est très bien, mais le faire sans discernement ni pragmatisme ni connaissance sérieuse du sujet ni prospective sérieuse sur les conséquences réelles à moyen et long termes des différentes initiatives lancées, c’est finalement un remède pire que le mal…

De Patrick Roy à Anal Cunt en passant par Brave Patrie…

Posted in Hellfest with tags , , , , , , , , , on 24 Mai 2011 by Darth Manu

La métallosphère laissait éclater sa colère la semaine dernière, à la suite de ce qui paraissait constituer deux nouvelles attaques particulièrement indignes contre le Hellfest et le métal de la part de catholiques d’extrême-droite.

En cause, deux articles du site Brave Patrie:

Patrick Roy: ROT IN HELL!

Christine Boutin : « Le Hellfest a piégé DSK »

Il suffit de parcourir les commentaires de ces articles pour voir que beaucoup de métalleux les ont fort peu appréciés:

Exemple:

« Vous n’êtes qu’une bande de fachos sans ouverture d’esprits. Je refuse de répondre àa la connerie par le connerie mais là, allez vous faire foutre. Vous salissez la mémoire d’un grand homme, métalleux ou pas on s’en fout, et de plus, un grande homme qui est décédé.  
Honte à vous. Bandes de fachos.  
Tu dois être adhérents au FN pour écrire des trucs comme ça.  
Fuck. » (commentaire anonyme en réponse à l’article sur Patrick Roy).

On retrouve un certain nombre de réactions aussi agacées sur diverses pages facebook consacrées à la défense du Hellfest et du métal (ainsi« Grâce au meeting de l’UMP du 11/03/10, tu as appris que tu étais sataniste! »).

Las, quelques empêcheurs de râler en rond ne tardèrent pas, sur divers sites, à rappeler que Brave Patrie (sous-titré « Le vrai journal des vraies valeurs de la France vraie »!) n’est ni d’extrême-droite, ni catholique, ni opposé au métal et au Hellfest, mais est tout simplement un site parodique, et que ces deux articles sont des fake.

En témoigne cette mise au point, publiée naguère sur Brave Patrie en réponse à certaines réactions indignées à la suite de précédentes provocations:

« Nous SAVONS que nos articles ne sont qu’un ramassis d’insanités fascisantes, de vileries lèche-culoires et d’extrémismes puants, et c’est le but de notre démarche : mettre en abyme les raisonnements actuels du gouvernement pour en pousser la logique jusqu’à son aboutissement le plus naturel. Et si cela finit par en être ridicule, tant mieux. » (Brave Patrie va censurer ses forums).

Si ces clarifications calmèrent en grande partie les choses, elles ne firent pas totalement taire toutes critiques:

« peut on réellement rire de la mort de quelqu’un de la souffrance qu’il a vécu et de la souffrance que ses proches ressentent au quotidien je ne pense pas et puis si c’est de l’humour (apparement c’est bien le cas …) il est très mal tourné et pas très visible franchement je suis contre !!! et j’assume!!! » (commentaire de Lolo à l’article sur Patrick Roy).

Ce que répondent certains métalleux à Brave Patrie, c’est qu’on ne peut pas rire de tout, et que l’humour ne peut pas s’exercer au dépend des personnes. Réponse certes non dépourvue de légitimité, mais tout à fait remarquable pour qui a suivi les évolutions récentes de la polémique contre le Hellfest. En effet, lorsqu’Anal Cunt a été déprogrammé du Hellfest en raison des paroles de ses chansons (notamment « Hitler was a sensitive man« ), la réponse quasi universelle des métalleux aux critiques du blog Les Yeux Ouverts, à l’origine de la démarche qui a provoqué cette annulation, a été de ce type:

« c’est incroyable de reconnaitre l’humour et pas pour Anal Cunt! Comment vous pouvez juger un humour que je parie vous avez jamais réellement écouté ou lu. Vous avez seulement lu les texte des chansons qui convient pour faire annuler ce groupe! Car franchement quand on vois une chansons appelé « All Our Fan is Gay » ( tous nos fans sont gay) comment prendre au sérieux les autres chansons. Et puis faut un peu se renseigner, Anal Cunt fait partie de la famille du Grind metal, ce style est fait pour justement ne pas se prendre au sérieux!  » (Commentaire de Sam en réponse au billet « Lettre à un festivalier du Hellfest », sur Pensées d’outre-politique).

Personnellement, je retire de ce mini-drame internaute  les enseignements suivants:

– La question de savoir si on peut rire de tout, ou manquer de respect aux personnes, par exemple aux victimes du génocide du peuple juif, aux catholiques pour qui leur foi est tout et qui sont blessés par des paroles blasphématoires (ou encore à la famille de Patrick Roy) est légitime, et les opposants au Hellfest, quand bien même ils auraient tort sur tout le reste, ont raison de la poser en soi. La preuve en est que les métalleux s’émeuvent aussi de de paroles prononcées sous le couvert de l’humour qui semblent manquer de respect à des personnes qui leur sont chères.

-Je ne me sens pas capable personnellement de répondre de manière ferme à cette question. J’étais gêné lors de la polémique autour d’Anal Cunt, et j’y suis resté globalement silencieux. J’ai défendu Brave Patrie sur Facebook (sur le groupe Front de défense du métal) ces derniers jours, tout en étant tout de même assez gêné par l’article sur Patrick Roy. Ces débats posent de vraies questions, mais qui sont aussi très difficiles à élucider: rire de tout, cela peut favoriser des situations d’exclusion, de brimade, de harcèlement… Censurer l’humour, c’est ouvrir la porte au politiquement correct, au conformisme moral et intellectuel, à l’hypocrisie. J’aurais aimé pouvoir poser calmement et de façon nuancée le débat sur Anal Cunt: de la manière dont ça s’est fait, par l’annulation brutale du groupe à la suite de pressions institutionnelles, c’était IM-POS-SI-BLE;. Tout le monde s’est braqué, et le débat a tourné pendant plusieurs semaines à la foire d’empoigne.

-La méthode choisie par les opposants au festival s’est révélée contre-productive. Alors qu’ils posaient une vraie question, très légitime en elle-même, ils ont préféré passer par l’interdiction plutôt que le dialogue. Résultat, les métalleux se sont indignés de la suppression d’un groupe que beaucoup attendaient et du recul des organisateurs du Hellfest, avec toutes les inquiétudes que cela laissait présager pour l’intégrité artistique future du festival (lire par exemple cet article éclairant de Radio Metal: Hellfest, à qui le tour!, qui pose lui-même à mon avis des inquiétudes parfaitement recevables et légitimes), et la question initiale: « Peut-on rire de tout? », a été escamotée. Personnellement, j’aurais préféré qu’Anal Cunt joue cette année et que la question soit réellement posée sur les forums de métal et discutée tranquillement, plutôt que d’y attacher tout l’affect et le traumatisme (tout relatif certes mais traumatisme quand même) d’une annulation du jour au lendemain. Et j’en crois les métalleux (qui ne sont pas un bloc homogène mais des personnes comme vous et moi, avec leur propre parcours et leur discernement moral individuel) capables: ils viennent eux-mêmes de la poser à propos des articles de Brave Patrie, et la plupart sont capables de bonne foi et d’admettre la légitimité de la question (je peux en témoigner: j’en ai fréquenté un certain nombre et j’en suis issu): le tout est de la leur présenter d’une manière qui ne donne pas l’allure d’un procès en sorcellerie contre le métal et le Hellfest, et qui évite les amalgames, mais qui montre qu’eux-mêmes poseraient sans doute les mêmes questions si ce qui leur est cher était traité sans respect par certaines paroles de chansons, etc… Mais cela suppose de faire confiance à l’honnêteté intellectuelle de ses contradicteurs: difficile, souvent désespérant et frustrant, mais beaucoup plus courageux et efficace en profondeur que les tribunes et les pressions, qui finalement ne convainquent que les convertis.

Peut-on rire de tout? Voilà, la question est lancée (et je le répète, pour l’instant je n’ai pas trouvé de réponse satisfaisante, dans un sens ou dans l’autre). Discutons-en calmement, dans la confiance et le respect mutuels, au lieu de nous disputer à son sujet…

Christianisme et métal: témoigner de notre joie plutôt que de notre peur, des deux côtés…

Posted in Hellfest with tags , , , , , , , , , , , on 26 avril 2011 by Darth Manu

Comme je le montrais dans mes précédents billets, tant les opposants au Hellfest que ses organisateurs semblent estimer que « le temps du dialogue est révolu » et que l’heure est aux rapports de force et aux pressions, que celles-ci s’exercent au travers de pétitions ou de courriers à des responsables politiques, des sponsors ou des hébergeurs de blogs.

J’ai abondamment montré dans mes précédents billets pourquoi j’estime que les catholiques hostiles au Hellfest ont tort de choisir cette voie plutôt que celle peut-être moins exaltante et de plus longue haleine mais plus juste et fructueuse du dialogue.

J’aimerais exposer dans cet article les raisons pour lesquels je pense que certaines des inquiétudes exprimées par des sites tels que Les Yeux Ouverts et autres  ne sont pas toutes dépourvues de légitimité, et qu’il y a aussi une ouverture qui doit s’opérer côté métalleux.

Comme chacun sait, le catholicisme est en recul en France, même si la prise de conscience de ce fait conduit à une mobilisation plus importante des fidèles dans la vie publique, et à un dynamisme renouvelé (http://www.koztoujours.fr/?p=12047).

On a bien sûr le droit de  désapprouver l’enseignement de l’Eglise, ou certains aspects de son histoire, et de se féliciter de ce que le catholicisme soit en train de devenir une minorité (une grosse et influente minorité cela dit). Mais si ce qui est souvent reproché aux chrétiens (à mon avis de façon exagérée) est d’avoir favorisé des situations d’exclusion (des femmes, des homosexuels, des minorités religieuses…), il me semble que c’est une bonne raison pour veiller à ne pas devenir soi-même celui qui exclut.

Je voudrais témoigner à ce sujet d’une expérience qui m’a profondément marqué: l’an dernier, j’accompagnais un groupe de lycéens à Lourdes, dans le cadre du FRAT, un pélerinage qui rassemble tous les deux ans en ce lieu l’ensemble des aumôneries catholiques de lycées d’Ile de France. Parmi les activités au programme, il y avait quatre temps de « carrefour », c’est-à-dire des moments d’échange en petits groupe autour de la manière dont chaque jeune abordait et vivait sa foi. Chaque animateur accompagnait dans cette démarche un groupe de jeunes qu’il ne connaissait pas. Lors des deux premiers carrefours, mon groupe semblait plus intéressé par les rigolades entre amis que de parler de la foi chrétienne. Le troisième carrefour fut l’occasion pour certains de pointer tel ou tel moment de célébration ou de prière qui l’avait touché. Lors du quatrième carrefour, j’étais assez crevé, et comme c’était presque la fin du séjour, j’ai rassemblé mon groupe autour de sodas dans un café. Lors du bilan, les lycéens m’ont dit que ce qu’ils avaient apprécié dans le FRAT, s’était de se retrouver en tre amis, mais plus encore, entre amis chrétiens, et de pouvoir discuter de leur foi ensemble. Parce qu’à l’école, dans la vie de tous les jours, ils n’osent pas, parce qu’ils ont peur des moqueries de leurs camarades, ou de l’agressivité de ceux pour qui le catholicisme se réduit à l’Inquisition et aux affaires de pédophilie.

Mais le catholicisme, j’en fais l’expérience chaque jour, ne se réduit pas à ça. Pour beaucoup de catholiques, au travers des célébrations, des retraites, des activités en paroisse ou en milieu associatif, ou encore de la prière personnelle, la foi chrétienne est ce qui apporte de la beauté et du sens à leur vie, d’une manière qui n’est pas si différente de celle dont beaucoup de métalleux donnent une saveur à leur vie par le moyen de la création musicale.

Go^tons ensemble par exemple ce témoignage (parce que la spiritualité chrétienne au quotidien, c’est bien plus une affaire de goûter la vie d’une manière plus savoureusequ’avant que de s’enfermer dans le carcan de dogmes rigides):

« D’origine catholique, ayant reçu une éducation religieuse « classique » j’ai toujours été en contact avec une certaine foi en Dieu, dans ma famille, à l’école. Mais à l’adolescence, une recherche plus cartésienne m’a fait rejeter la foi que je considérais comme « naïve ». Cependant, trop de questions existentielles restaient sans réponse.

Vers 20 ans j’ai rencontré une chrétienne. C’est devenu une amie. Elle m’a témoigné d’une foi vécue authentiquement, de manière simple mais vraie et m’a enseigné certaines bases. A son contact, j’ai commencé à voir Dieu et la foi autrement, plus réelle et plus vraie. Un jour, lors d’un week-end de jeunes chrétiens, ouvert à tous, il y a eu un temps fort : après le culte, je me suis senti très remué. Grâce à un temps de prière de mon amie à mes cotés, dans un esprit d’abandon intérieur j’ai demandé à Dieu de me donner de la joie de vivre.

Et quelque-chose s’est passé : comme un souffle m’a traversé de haut en bas. La sensation que de la boue était tombée de tout mon corps à mes pieds. Et une paix immense, que je n’avais jamais ressentie auparavant, m’a envahi. Une paix si douce, si parfaite, que j’ai su et reconnu que Dieu était là et m’avait délivré de mon angoisse, de ma tristesse et de ma noirceur intérieure.

Plus tard, j’ai commencé à lire la Bible tous les jours, je priais le soir. Mais en fait, je n’avais pas encore compris grand chose et je n’étais pas prêt à suivre l’exemple de Jésus. Je me suis remis à errer dans la vie, me sentant condamné à une vie médiocre malgré mes efforts pour m’en sortir. Peur du lendemain, lutte, difficultés, échecs. 5 ans se sont écoulés. Pourtant, durant tout ce temps, même seul avec ma rébellion et ma vie creuse, je sentais toujours qu’une petite flamme était allumée au fond de moi, comme une bougie qui éclaire la nuit même dans les pires tempêtes. Une flamme que je savais être une présence de Dieu (sans trop comprendre comment). Une lueur qui ne me quittait plus et qui me redonnait de l’espérance. Oui déjà, quelque-chose avait changé et je le savais. Mais mes soucis d’argent et ma crainte de l’échec matériel me tenaillaient et me bloquaient, comme un dernier obstacle pour dire « oui » à Dieu.
 
5 ans après ce souffle divin qui m’avait envahi, il y a eu une nouvelle rencontre : celle d’un jeune couple de missionnaires de passage en France et qui m’ont invité à venir les voir pendant l’été. Le témoignage du missionnaire m’a parlé précisément sur ce qui me préoccupait le plus : les soucis d’argent et la vie difficile. Il avait vécu l’intervention de Dieu si précisément qu’il m’a convaincu que même dans ce domaine si terre à terre, Dieu n’était pas sourd et muet et surtout qu’Il pouvait intervenir et m’aider à régler ce qu’il convenait de régler pour assainir la situation. Ce témoignage fut capital pour débloquer mon esprit et mes doutes.

Dès la rentrée de septembre, j’ai commencé à aller à l’église. L’accueil remarquable de certains et ma rapide intégration dans un groupe de quartier ont très vite été une source merveilleuse de connaissance et de progrès. J’ai compris les fondements de la foi chrétienne. Et j’ai vécu les pleurs de repentance, la joie de me savoir pardonné, sauvé. Une grande soif de savoir et d’étudier la Bible a trouvé des réponses dans cette église. Grâce aux enseignements, grâce à Dieu surtout, ma vie intérieure a changé. Dieu m’a donné la foi, comme une vie à cultiver avec Lui. Par Sa parole et toutes les réalités de la vie, Dieu se révèle, fidèle, patient, respectueux et juste. Il me donne de comprendre peu à peu la profondeur de Son amour pour moi et Il m’offre de goûter à la réalité heureuse de fonder, jour après jour, ma foi en Lui » (témoignage de Michel, sur le site atoi2voir.com).

Ce que je retiens personnellement de ce témoignage, c’est que la foi ne nait pas d’une simple adhésion intellectuelle à l’enseignement de l’Eglise, ou d’une croyance abstraite et désincarnée en Dieu, mais d’une rencontre. Chacun d’entre nous catholique pratiquant, par un évènement de notre vie, le témoignage d’un proche, une parole entendue, un rassemblement qui nous a touché, que sais-je encore, nous avons eu l’impression de toucher du doigt l’Amour de Dieu, de le rencontrer personnellement. C’est-à-dire que nous avons ressenti un bonheur, une profondeur d’être, plus intense et d’une certaine manière réelle que ce que nous avions connu jusque là, et cela a été suffisant pour nous convertir, vouloir changer notrevie pour la tourner autant que possible vers cette joie nouvelle qui nous est apparue. Bien sûr, nous avons tendance à oublier cette joie, et notre discernement n’est pas toujours à la hauteur de nos nobles intentions: c’est l’expérience du péché, c’est-à-dire de la contradiction en tre nos limites et notre désir de nous conformer à la perfection divine. La prière et la fraquentation des sacrements sont là, non pour rajouter des règles ennuyeuses à notre vie, mais pour ne pas oublier, pour revenir à cette joie originelle fondatrice de notre foi.

Deux autres témoignages peuvent vous permettre de comprendre comment « fonctionne » de l’intérieur un catholique:

Le récit par Pneumatis, qui a beaucoup fait pour apaiser la polémique autour du Hellfest, de sa conversion: http://pneumatis.over-blog.com/article-ma-conversion-1-59924088.html

Cette très belle prière de la blogueuse catholique Zabou: http://www.zabou-the-terrible.fr/post/2011/04/22/Jeudi-Saint-2011

Moi-même, si j’ai eu une éducation catholique, j’ai tout lâché après le lycée, j’ai été sympathisant d’organisations d’extrême-gauche, j’ai été très près à un moment de devenir sataniste, et mes jeux de ^role favoris quand j’étais étudiant (pour ceux qui connaissent) étaient INS/MV et Kult. C’est dire! et si je suis revenu au christianisme à 27 ans, ce n’est pas du fait de la pression sociale (mes soeurs et beaucoup de mes amis sont athées, et mes parents ne pratiquent pas), mais tout simplement parce que j’ai rencontré, dans des livres ou dans ma vie quotidienne, des témoignages de personnes qui ont été rendues heureuses par leur rencontre avec Jésus Christ, et que j’ai eu envie de connaitre à mon tour ce bonheur apporté par la foi.

Beaucoup d’entre vous se demandent comment faire le lien entre ces belles expériences et les abus des antiHellfest.

Pour moi la réponse est simple: les antiHellfest sont des gens qui ont trouvé le bonheur grâce à leur foi en le Christ Sauveur, et qui voient cette foi remise en cause par les paroles de certains groupes. Alors ils ont peur, de la défiance de plus en plus grande de beaucoup envers le christianisme, mais surtout que leur bonheur soit remis en question, qu’ils en soient privés. Et ils attaquent ce qui semblent être une souce de danger pour leur bonheur, le Hellfest.

De même que certains métalleux trouvent leur plus grande joie dans leur musique, et vivent les attaques récurrente des organisations chrétiennes contre le métal tout au long de son histoire comme une agression et une remise en cause de cette joie. Et à leur tour ils cherchent à se libérer du sentiment d’^tre agressés, de la peur d’être une victime, en attaquant le christianisme dans les paroles de leurs chansons et la mise en scène de leurs concerts.

Les antiHellfest attaquent le festival parce qu’ils y voient le symptôme d’une « christianophobie » grandissante, du danger pour les catholiques de ne plus pouvoir exercer un jour leur foi librement, de ne plus être libre d’exprimer leur joie, qui se trouve dans l’annonce de l’Evangile et la vie selon ses enseignements.

Et les métalleux, face à des succès relatifs mais réels de ces antiHellfest, comme le retrait de Coca-Cola du sponsoring du festival en 2009 suite à la campgne d’E-Deo, ou de l’annulation d’Anal Cunt en 2011 suite aux démarches du blog Les Yeux Ouverts, ont en retour peur pour l’avenir de leur festival, le plus grand en France concernant le métal. Et c’est pourquoi ils font parfois le choix de refuser le dialogue, que ce soient les modérateurs de certains forums qui verrouillent systématiquement les sujets liés à cette polémique, ou encore les organisateurs qui ont choisi la semaine dernière d’exercer des pressions sur les hébergeurs des sites antiHellfest.

Cessons d’opposer notre bonheur à celui de l’autre. Plutôt que de dévaloriser la démarche de notre adversaire, cherchons plutôt à lui montrer, comme certains ont déjà essayé de le faire des deux côtés, tout ce que notre engagement, dans le métal ou l’Eglise (ou les deux comme c’est mon cas), a apporté de Beau à notre vie, et tenons nous prêts également à nous laisser étonner par notre adversaire, disposons notre coeur de manière à lui communiquer notre joie plutôt que notre peur (y compris dans les paroles de nos chansons: on peut faire de la bonne musique sans blesser personne, même à mon avis dans le BM), et à nous laisser toucher par sa propre joie plutôt que par sa propre peur. Il ne s’agit pas de forcer l’autre à changer d’avis, mais de témoigner, dans la confiance et non dans le repli ou dans la haine, de ce qui nous rend heureux dans nos choix, tout en accueillant le témoignage de l’autre, sans dénigrer ce que son parcours a de différent.

Hellfest: rengainons l’épée et commençons à témoigner plutôt que de juger!

Posted in Hellfest with tags , , , , , , , on 22 avril 2011 by Darth Manu

Les organisateurs du Hellfest semblent perdre patience:

« Reçu ce vendredi Saint…ou quand notre action dérange !

Messieurs,

Las de vos sempiternels même reproches, nous avons décidé nous aussi de  dénoncer votre manque criant de discernement en ce qui concerne notre  manifestation HELLFEST.
Vos amalgames et différents préjugés ne peuvent continuer à venir salir  l’image d’un événement salué par tous (collectivités publique, habitants  de Clisson, Préfecture de Loire Atlantique…) et ou AUCUN incident  n’est jamais survenu.  Vous vous efforcez à colporter des éléments sortis de leur contexte et qui ne représentent en rien la véritable nature de cette manifestation,  ou plusieurs dizaine de milliers de personnes partagent un moment convivial et amical, qui sont à ma connaissance des valeurs que vous défendez.  Dès lors nous avons nous aussi décidé de passer à l’action et de tout  faire pour contrer vos méthodes dignes d’un autre temps.
Dans un premier temps, vous trouverez ci-joint le courrier qui vient  d’être envoyé à votre hébergeur, qui je suis sûr ne restera pas sans  réponse. Ensuite dans un second temps nous allons sans plus tarder communiquer et informer nos festivaliers de l’existence de vos différents blogs afin qu’ils puissent eux aussi vous exprimer leur  exaspération et leur mécontentement. Nul doute que votre compte messagerie risque d’exploser…
Au vu de la manière dont les choses se sont déroulées, avec la conclusion que l’on connait, à Avignon ces derniers jours, il serait  présomptueux de penser que vos pressions vous mènerons à vos fins… Pas sûr que l’opinion publique, nos différents partenaires privés, les différentes collectivités publiques, ainsi que les médias prennent le  choix de vous suivre dans cette « croisade », qui, si elle continue, n’aura servie qu’à une chose…creuser les fossés d’incompréhension et  attiser la haine entre communautés (Catholique et Metalleux). Hors à la  lecture de vos pamphlets, il semble que ce soit ce contre quoi vous vous battiez…
Cordialement
Mr Barbaud Benjamin Président de l’association HELLFEST PRODUCTIONS; » (Source: Collectif pour un festival respectueux de tous).

Je ne crois pas personnellement que Ben Barbaud ou ses avocats aient spécifiiquement ciblé le Vendredi Saint: leur courrier exprime clairement qu’ils s’ttaquent aux accusations abusives et sans fondements du collectif, et non au christianisme dans son ensemble. Encore le réflexe de victimisation des anti-Hellfest à l’oeuvre.  Je regrette néanmoins cette démarche de la part des organisateurs du festival, qui reproduit l’erreur des antiHellfest en sens inverse: on ne change pas les coeurs et les préjugés sous la contrainte…

Par contre cela montre à mon avis deux choses:

-Le type d’actions menées jusqu’ici par les anti-Hellfest ne débouche sur aucune amélioration de l’image de l’Eglise dans l’opinion, n’incite nullement les métalleux à respecter davantage notre foi, mais au contraire les braque et les incite à répondre eux-mêmes par la polémiique et le recours à la justice.

-La débacle du Piss Christ, qui est issue du même type d’application sans discernement de cette méthodologie de la « riposte », fait que les organisateurs du Hellfest, comme ceux de l’exposition d’Avignon d’ailleurs, sont maintenant en position de force dans ce type de polémiques, tant devant l’opinion que les tribunaux.

Quel succès pour toutes ces associations qui ne cessent d’inciter à la fin du dialogue et à la confrontation! Bravo! Une fois de plus l’évangélisation avance à grands pas! Deux ans que cette polémique a une ampleur nationale, et tout ça pour ça!

Plus sérieusement il devient urgent d’en finir avec toutes ces campagnes conflictuelles contre le Hellfest, afin de poser les conditions d’existence d’un débat serein, qui donne enfin un témoignage authentique de ce qu’est suivre le Christ, et qui donne envie de se mettre à sa suite, au lieu de rebuter et de nourrir les préjugés contre l’Eglise

En tout cas, voilà qui nous donne l’occasion de méditer la liturgie du jour:

« Alors Simon-Pierre, qui avait une épée, la tira du fourreau ; il frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. Jésus dit à Pierre : +. Remets ton épée au fourreau. Est-ce que je vais refuser la coupe que le Père m’a donnée à boire ? »

Mettons à profit ce Vendredi Saint pour méditer à notre profit cette leçon donnée aux anti-Hellfest: le Christ ne désire pas être défendu par l’épée, mais par l’annonce patiente de l’Evangile, à temps et à contre-temps, et qui s’appuie sur l’exemple donné par notre propre recherche personnelle de la sainteté.

A propos de la pétition « Provocs Hellfest, ça suffit » 2/2

Posted in Hellfest with tags , , , , , , , , on 20 avril 2011 by Darth Manu

Je tiens en premier lieu à présenter à tous mes excuses pour le retard de cette seconde partie de mon billet sur le Hellfest, et plus particulièrement à mon confrère blogueur Les Yeux ouverts, qui attendait la publication de cette suite pour me répondre.

Cela dit:

2) Les demandes de la pétition:

« L’examen approfondi des groupes et des chansons de ceux-ci et à la non programmation de tout groupe et/ou chanson incitant à la haine contre quelque communauté que ce soit »:

OK là dessus, àla réserve près qu’inciter à la haine, ce n’est pas la même chose que critiquer ou qu’exprimer une aversion pour, comme je le montrais dans la première partie de mon billet.

A noter qu’historiquement, l’interdiction pure et simple de groupes de métal a généralement des incidences très faibles sur leur popularité, quand elle n’est pas récupérée purement et simplement à des fins publicitaires par leurs promoteurs:

Dans le cas par exemple du groupe de death metal Cannibal Corpse:

« Cannibal Corpse est considéré comme l’un des groupes phares du brutal death metal, bien que leur renommée vienne plus de leurs ventes, de leurs pochettes ultra-gores et de la polémique qu’il suscite un peu partout. Le groupe est notamment interdit en Corée, en Australie et en Nouvelle-Zélande. En Allemagne les chansons des trois premiers albums du groupe sont interdites de concerts et les compilations contenant ces chansons sont tout simplement supprimées, ainsi que les pochettes de tous leurs albums. Malgré cela, Cannibal Corpse est un des seuls groupes de death metal a être rentré au billboard américain… » (MetalOrgie).

Quels ont été les résultats concrets de leur interdiction dans ces différents pays?

« Stemming from that, what are your views on censorship in general today?
Paul: Well it sucks. Censorship, it’s not good. It shouldn’t be there, it’s just one of those things, if you don’t like it, you don’t have to look at it, you don’t have to buy it. If you’re brought up right it all comes down to the parents. It’s also on the other hand something we know that we can’t let bother us. We know it’s going to be there, and if we sit there and try and fight it, there’s really no point to waste time on it. Worry about what we do is obviously what we’ve been doing. We had those problems in Germany for years. The first three records are banned, we can’t play songs off the first three CDs and everything. That didn’t make us think, hmm we aren’t going to go there then, or what do we do now, we just find a way to work around it. You’re not stopping us, we won’t play songs from the first 3 CDs then, we’re still playing, making CDs, fans are coming. You know, so you just take it in stride and work around it. It’s a lot better now. Last tour we did in Europe we were allowed to play the songs. I don’t know what happened, whether it’s a statute of limitations or they just don’t care anymore or something. But now we’re allowed to go and play the songs. So we just stuck to it. Stuck to what we’ve done, don’t play some songs, and now we’re able to. So yeah, you just can’t let it bother you. It’s unfortunate that it exists. What can you do? I guess, just do your thing and work around it. » (puregrainaudio).

« On vous a interdit de jouer des chansons des trois premiers albums en Allemagne mais cette interdiction s’est éventuellement expirée et vous avez pu jouer de ces chansons lors de votre passage au Wacken… comment étaient les réactions?

  Pat O’Brien :: Cannibal Corpse
R C’était vraiment dément. Les fans de Cannibal Corpse là-bas veulent entendre Hammer Smashed Face depuis toujours! La dernière fois que nous avons joué au Wacken, nous avons pu le faire alors les réactions s’en sont suivies! Ces gens ne veulent pas que le gouvernement choisisse pour eux quoi écouter. Ils ne veulent pas de censure. C’est ridicule tout cela… Pendant des années, nous allions jouer dans des petits bars ou des petites salles et nous devions signer des papiers comme quoi aucun titre des trois premiers albums ne serait joué. De temps en temps, nous en échappions une sans faire trop exprès (rires) et, je te le jure, les exécutifs de la compagnie de disques en Allemagne en entendaient parler le lendemain. De temps en temps, un gars aucunement subtil s’approchait de nous en nous demandant si nous avions joué Hammer Smashed Face à Leipzig, par exemple. Évidemment, si nous avions joué une chanson des trois premiers albums dans un contexte comme un festival ou quelque chose du genre, nous aurions tous étés arrêtés. Il arrivait très fréquemment que des officiers de police se pointaient à nos spectacles avec une expression de « Que diable fais-je ici » au visage, alors que nous étions en train de jouer. Comment veux-tu qu’ils sachent la différence entre Hammer Smashed Face et Fucked With a Knife? Et ne me laisse pas te parler d’à quel point je trouve cela aberrant d’avoir dit cela moi-même… penses-y, nous pouvions jouer Fucked With a Knife, mais pas question de jouer Hammer Smashed Face…
  Fred Laroche :: CDM
Q J’ai décidément du mal à imaginer qu’ils puissent différencier les chansons des 3 premiers albums des autres chansons…

  Pat O’Brien :: Cannibal Corpse

R

Pfff… bien sur qu’ils ne sont pas capables! Voyons! A moins que l’un d’eux soit un fan de notre musique en secret… De toute façon, ils l’ont dans le cul aujourd’hui puisque cette censure a fait en sorte que les fans ont voulu entendre les chansons encore plus. Ça a fait en sorte que les fans étaient encore plus intéressés à acheter ces albums puisqu’ils étaient difficiles à trouver et qu’ils étaient en fait des items de collection. » (Capitale du Metal)

Non seulement les résultats concrets de la censure sont généralement très discutables (publicité paradoxale, contournement des décisions de justice éventuelles, piratage) mais ils passent complètement à côté du problème très légitime auquel celle-ci vise à répondre. Non seulement en effet la plupart des fans de metal les plus hostiles au christianisme ne se sentent pas particulièrement poussés à se remettre en cause, mais ils se braquent et tirent de ce type d’action la confirmation de leur vision des chrétiens comme bornés et intolérants: ou comment le repli communautaire des deux côtés tue le dialogue et ne fait qu’alimenter la popularité et l’argumentation des groupes les plus hostiles au christianisme.

Le refus de mettre en avant et/ou de proposer à la vente tout support de quelque forme que ce soit et incitant à la haine contre quelque communauté que ce soit »

Reprenons l’exemple de Cannibal Corpse:

« As of October 23, 1996, the sale of any Cannibal Corpse audio recording then available was banned in Australia and all copies of such had been removed from music shops. At the time, the Australian Recording Industry Association and the Australian Music Retailers Association were implementing a system for identifying potentially offensive records, known as the « labelling code of practice. »

As a result, until April 1, 2006, only one Cannibal Corpse album, Gallery of Suicide, was listed in even the most explicit class of records allowed to be sold in Australia, and even that one disappeared from all legal classification after 2001. Thus, from at least April 1, 2003 to March 31, 2006, it was illegal for Australian music retailers to sell any audio recording produced by Cannibal Corpse. However, from April 1, 2006 to March 31, 2007, it became legal to sell all ten of the studio albums that the band had recorded by them, as well as the live album Live Cannibalism, the boxed set 15 Year Killing Spree, the EP Worm Infested, and the single « Hammer Smashed Face. » » (Corpseclothing).

La censure, comme souvent (cf. par exemple le destin du Comic Code Authority aux Etats-Unis, ou de la censure cinématographique en France), n’a duré qu’un temps. A-t-elle réduit le succès de Cannibal Corpse? Non. A-t-elle incité le groupe a adoucir les textes de ces morceaux? Non. A-t-elle suscité une prise de conscience dans le milieu du métal sur le contenu des paroles? Non. A-t-elle contribué à l’essort de la christianophobie chez une partie des métalleux? Manifestement oui, si j’en crois les réactions sur les sites de metal à chaque occurrence de ce type de censure.

En effet, la censure n’est pas efficace contre le metal pour la raison suivante: le métal y a été confronté tout au long de son histoire, et la plupart de ses courants les plus extrêmes se sont définis et ont trouvé leur audience en réaction à ses exigences:

« Un autre point, sur lequel nous avons déjà quelque peu discuté précédemment, a également contribué à la solidarité du milieu: nous faisons ici allusion à l’union du milieu Metal contre la censure. Contre le PRMC (cf. supra), contre les opprobres faites u Metal par certaines associations religieuses ou parentales, le Metal s’est retrouvé d’autant plus soudé au sein de la micro-famille qu’il forme. Il est pourtant à noter que ses réponses aux diverses accusations furent souvent de minces stratégies de défense, le Metal ne reniant pas son côté ostentatoire et parfois amoral. A cela notre question précédente refait surface: la liberté de tout dire que nombreux de ses protagonistes s’octroient peut-elle coexister avec le système en vigueur et ses valeurs? Nous ne pouvons donner présentement une réponse claire à cette question. Néanmoins ces deux facteurs-statut de paria, censure- que nous venons d’évoquer permettent de mieux saisir la force unitaire dans laquelle le Metal s’est formé. En cela les acteurs du milieu Metal s’avèrent engagés et solidaires, attributs qu’ils expriment au travers de leur distinction sociale-visuelles ou autres-, au travers de leur connaissance partagée du genre et qui circule par une médiation passionnelle, mais surtout par une forme de rebellion qui consiste à aller contre le courant principal (en anglais: le mainstream), contre le socialement ou le politiquement correct, ou d’une manière générale à se tourner vers ce qui leur semble le plus proche de l’authenticité » (Le Metal: étude d’un genre ambigu, extrême, protéiforme, mémoire de DEA par David Moussion, sous la direction de Jean-Paul Olive, PU à l’Université Paris VIII, p. 47).

Le métal est né de la confrontation à la censure, et en chercher les failles est l’une des raisons d’être de ses variantes les plus extrêmes, comme le grindcore, le death ou le BM. Comment croire que ce qui a suscité initialement ces provocations va parvenir à les museler sur le long terme? Le blogueur hostile au Hellfest Les Yeux Ouverts s’est plaint récemment du communautarisme des métalleux (dans une interview accordée au site Liberté Politique) , mais il ne semble pas se rendre compte que celui-ci est né historiquement d’une réaction contre la censure mainte fois exercée et dès l’origine du genre sur certains groupes de métal, et qu’en appelant lui-même à la censure du festival, il ne fait que l’alimenter et confirmer la raison d’être de groupes tels Belphégor ou Mayhem. C’est en montrant que nous sommes capable de dialoguer et de nous remettre en cause que nous infirmerons l’idéologie de ces groupes, et non en répétant à l’infini les maladresses qui les ont fait naître et leur ont donné leur popularité.

« La non promotion sous quelque forme que ce soit à l’intérieur de l’enceinte du festival : de la violence y compris à caractère sexuel ; des transgressions contre nature ( nécrophagie, profanation…) ; des comportements dommageables pour l’intégrité physique des personnes ( mutilation, suicide, appel au meurtre…) ; du satanisme. « 

L’ajout du satanisme à cette liste est révélatrice de la confusion d’esprit des auteurs de cette pétition, qui mêlent en une même approche apologétique et argumentation juridique. Si le satanisme est bien évidemment condamnable dans une perspective chrétienne, et doit être combattu sur le terrain des idées, comment justifier son interdiction sur le plan du droit positif au nom d’une démarche qui entend combattre « la haine contre quelque communauté que ce soit »:

N’importe quelle personne hostile à l’Eglise et sachant additionner « 2+2 » aura tôt fait de retourner l’argument contre les auteurs de cette pétition, et de les accuser de tentative de discrimination contre les minorités religieuses qu’ils désapprouvent. C’est ce qui arrive quand on tente de retourner soit-même le discours victimaire des minorités hostiles au christianisme: on finit par s’enfermer dans des contradictions logiques.

En effet, il est possible: soit de mener le combat sur la terrain juridique, donc dans une perspective éventuellement contraignante,  et de défendre le respect de toutes religions, sans préjudice de leur enseignement, soit de le faire sur le terrain doctrinal, et donc de se donner les moyens de critiquer ce contenu, mais dans une démarche qui est une démarche de dialogue et non de contrainte politique et juridique, soit d’essayer éventuellement de tenir ces démarches de manière parallèle. Mais les confondre au sein d’une même demande, une même phrase a fortiori,  est très maladroit, et donne une impression de sectarisme et de logique partisane.

3)L’esprit de la pétition:

Le collectif auteur de cette pétition entend marquer la fin du dialogue:

« Le dialogue instauré depuis des années avec les organisateurs et qui s’est traduit l’année dernière par une table ronde n’a pas porté les fruits escomptés puisque les organisateurs et les pouvoirs publics n’ont tenu aucun compte des alertes et des appels à la responsabilité.

Avec les programmations d’une quinzaine de groupes de la même veine, voire pire que l’édition 2010, la fête de l’Enfer continue les provocations et la promotion du satanisme.
Le temps du dialogue est donc arrivé à son terme.
C’est pourquoi le collectif de lutte contre toutes les provocations violentes et haineuses« Provocshellfestcasuffit » a été constitué.
 A-confessionnel au sens de son autonomie par rapport aux instances religieuses et a-politique au sens de son indépendance par rapport aux partis politiques, le collectif a pour objectifs :
Continuer d’alerter
Faire pression afin que les provocations évoquées plus haut cessent
Son action n’est donc en aucun cas dirigée contre les métalleux en tant que personne, tout en soulignant tout de même leur propre responsabilité.
Le collectif « Provocshellfestcasuffit » est par conséquent ouvert à toute personne, physique et/ou morale, qui souhaiterait apporter sa pierre à cette démarche qui s’inscrit dans le temps » (« Qui sommes nous?« ).
On peut se demander si le dialogue a effectivement commencé, tant les échanges sur certains sites sont parfois violents et péremptoires des deux côtés. On peut également s’interroger sur l’étrange conception du dialogue qu’a ce collectif, qui semble placer la remise en question d’un seul côté, et ne juger les fruits du dialogue qu’en fonction des concessions obtenues sur le court terme (alors que le collectif inscrit sa propre démarche « dans le temps ».
Je m’interroge pour ma part sur les fruits qu’espèrent obtenir à long terme les auteurs de cette pétition: on ne change pas les mentalités par la contrainte, l’Histoire l’a assez prouvé. Et quel sens donnent-ils à leur engagement de chrétien dans la cité?
Etre chrétien, ce n’est pas la même chose qu’être homosexuel, femme, membre d’une minorité ethnique, etc. Il ne s’agit pas simplement de revendiquer d’être ce que l’on est sans être embêté par personne, ce n’est pas juste une question d’identité à affirmer et à défendre. Le sens de notre baptême, c’est certes de refuser le mal, mais plus profondément encore  de répandre le bien, d’annoncer une Bonne Nouvelle, d’évangéliser, de convertir les coeurs des païens, de les disposer  à entendre  l’Evangile… C’est non seulement l’une des significations primordiales de notre engagement de baptisés, mais également une revendication très actuelle de notre communauté. J’assistais hier soir à la messe chrismale de mon diocèse. Lors de l’homélie, l’évèque fit le bilan des remontées des différentes équipes paroissiales qui ont participé au synode lancé en septembre dernier (je suis paroissien du diocèse de Versailles). L’une d’elles était la suivante: que la nouvelle évangélisation soit moins dans les paroles et davantage dans les actes.
Quel est l’apport de cette pétition à cet impératif de l’évangélisation? Il est à mon avis égal à zéro. Comment disposer en effet à l’écoute et à la conversion des gens à qui on commence par dire « le temps du dialogue est révolu », qu’on tente de faire céder sous la pression du nombre et des menaces de procès? Le Hellfest attend en moyenne chaque année autour de 70 000 festivaliers: et bien cela fait 70 000 personnes que cette pétition risque de dégoûter durablement du christianisme. Bravo pour l’effort d’évangélisation: c’est bien la peine qu’on se casse le c… dans nos paroisses, avec notre famille, nos amis ou au travail pour essayer de faire évoluer la vision de l’Eglise, si c’est pour se faire pointer que les catholiques sont les premiers à proclamer la fin du dialogue dès que le cours de celui-ci n’évolue pas comme ils l’auraient souhaité!
Je ne résiste pas à ce sujet à la tentation de faire le parallèle avec cette polémique autour de l’exposition à Avignon d’une oeuvre intitulée Piss Christ, qui représente un crucifix plongé dans de l’urine, et qui a suscité la vindicte de diverses organisations catholiques.
Les similitudes avec la polémique autour du Hellfest sont nombreuses: une manifestation artistique semble verser dans le blasphème: en réponse, une association catho, Civitas, au demeurant très liée à Catholiques en campagne qui était l’auteur de la pétition anti-Hellfest de l’an dernier, lance une pétition demandant aux pouvoirs publics d’interdire cette oeuvre, avec des arguments très proches de ceux habituellement invoqués contre le Hellfest. Les résultats à ce jour sont édifiants: une oeuvre relativement confidentielle acquit une notoriété extraordinaire, quelques jeunes crurent bons de la détruire, pour rien puisqu’elle est à nouveau exposée, si ce n’est qu’ils ont faipasser par leur acte les catholiques du statut de victimes à celui d’agresseurs, et les responsables de l’exposition de celui d’agresseurs à celui de victimes.
Ce fait divers déplorable me parait lourd d’enseignement pour la polémique autour du Hellfest. En effet:
-On parle beaucoup de la responsabilité des groupes et des organisateurs du Hellfest, et de leur influence éventuelle sur les jeunes les moins aptes à discerner. Cette interrogation me parait pouvoir s’appliquer également aux collectifs anti-Hellfest: à force de présenter l’Eglise comme une citadelle assiégée, victime des pires discriminations et exactions, il parait peu étonnant que des jeunes soient poussés à des actes de révoltes, voire à des délits, et (pourquoi pas un jour prochain?), à des crimes, en croyant protéger leur foi contre une société corrompue et les maneuvres du démon. La christianophobie croissante de certains milieux, et les outrances de certains sites et associations cathos sont les deux versant d’un même problème, qui est la dissolution du tissu social et le repli derrière les belles idéologies communautaires. Ne nous laissons pas gagner par ce cancer en cherchant à l’opérer chez l’autre.
-Pour éviter d’être des victimes, certains catholiques décident de se faire des agresseurs, par des pétitions, des menaces, des manifs, … et, nous l’avons vu, parfois par la violence. Voilà qui renverse dramatiquement l’enseignement de l’Evangile, qui incite à tendre l’autre joue et à se faire serviteur . Je sais bien que dans certains milieux on aime à parler de la « Sainte Colère » et à citer abondamment l’épisode des marchands du temple. Je suis peu convaincu: cette scène ne décrit pas Jésus appelant ses disciples à la résistance civile, mais un Fils chassant des intrus de la maison de SON Père. Hors de cette maison, point de « Sainte Colère », mais les humiliations et les tortures subies, en restant ferme sur le message, mais dans l’humilité,  de la Passion. Nous ne sommes pas le Christ, et je ne pense pas que nous sommes à même de juger avec la même autorité des pécheurs tels que nous, et de les chasser de semblable façon. Le Christ nous appelle en effet à nous juger nous mêmes avant de juger autrui, et à porter notre propre croix. Il nous appelle à vivre par cette dernière plutôt que par l’épée, et c’est donc à mon avis sur notre imitation de sa Passion que nous serons jugés, de préférence à celle de sa Sainte Colère. Dans le cas du Hellfest, vivons notre Passion en répondant aux outrages de certains groupes par le témoignage de tout ce que notre foi nous a apporté de Bon, de Beau et de Vrai, et ainsi nous changerons les coeurs avec succès, de même que le Christ a préféré la Croix et la promesse du rachat des péchés aux condamnations et aux menaces (même s’il a toujours veillé à rappeler les conséquences d’un refus de la Grâce proposée, mais sans chercher à contraindre quiconque). Même lorsqu’il a envoyé ces disciples annoncer l’Evangile, il ne leur a pas demandé de menacer ceux qui refuseraient de les accueillir, ou de lancer des campagnes contre eux, mais de secouer la poussière de leurs semelles et de s’en aller.
-Certains disent que ces pétitions ont au moins le mérite d' »être là » pour défendre l’Eglise, et que « c’est toujours mieux que de ne rien faire ». Quel a été le résultat de la pétition de Civitas: une oeuvre qui était connue de peu de catholiques (elle date de 1987 et c’est seulement maintenant que la polémique surgit!), et qui donc en choquait peu, est devenue connue de tous, et en a donc choqué un nombre beaucoup plus importants. Et les catholiques, qui étaient les victimes et qui à se titre pouvaient demander la sympathie, sont devenus les  agresseurs et ont suscité l’opprobre. Je vais peut-être passer aux yeux de certains pour un « tiède » (et franchement je m’en moque bien), mais je pense que pour le coup, ne rien faire aurait été beaucoup mieux…
Voilà donc pourquoi je ne signerai pas cette nouvelle pétition contre le Hellfest, et déconseille de le faire, même si je salue un certain effort d’information et de nuance par rapport à celle de Catholiques en Campagne l’an dernier.
Pour conclure et ouvrir le débat, je signale l’information suivante:
« À l’occasion du 40è anniversaire de la dissolution des Beatles, le Vatican a rendu hommage samedi aux quatre garçons dans le vent dans son hebdomadaire l’Osservatore Romano. Dans un article, le Vatican déclare qu’il pardonne aux Beatles pour leurs commentaires « sataniques » et notamment ceux de John Lennon qui déclarait en 1966 que son groupe était plus populaire que Jésus Christ. Le Vatican a également déclaré que les Beatles était « un joyau » de la musique. « Il est vrai que le groupe consommait de la drogue, qu’ils vivaient dans l’excès à cause de leur succès. Ils ont même dit qu’ils étaient plus connus que Jésus Christ et on fait passer d’autres messages mystérieux à connotation satanique. Ils n’ont peut-être pas été le meilleur exemple qui puisse être pour la jeunesse de l’époque, mais ils n’étaient pas les pires. Leurs belles mélodies ont changé le monde de la musique et continue encore aujourd’hui à donner du plaisir », écrit l’Église Catholique.  John Lennon avait également déclaré lors de cette fameuse interview que la chrétienté finirait par disparaître. « Elle va s’éteindre et sombrer. Je n’ai même pas besoin de le prouver…Je ne sais pas qui du rock and roll ou de la chrétienté des disparaîtra le premier » avait-il affirmé, choquant le Vatican. Une page est donc tournée aujourd’hui et l’Eglise Catholique semble définitivement réconciliée avec les Beatles. Interviewé sur la chaîne américaine CNN, l’ancien batteur du groupe, Ringo Starr, qui vient de sortir un nouvel album intitulé « Y Not », a déclaré mardi qu’il se fichait du pardon du Vatican. « Ils ont déclaré à l’époque que nous étions sataniques et ils ont quand même réussi à nous pardonner ? Je pense qu’ils ont mieux à faire que de parler des Beatles », a-t-il expliqué » (Le Parisien).
Si on peut pardonner à certains groupes leurs « messages mystérieux à connotations sataniques » au nom de la musique, pourquoi pas à tous?